En permettant à une clause limitative de responsabilité de s’opposer à un assureur subrogé exerçant une action délictuelle, une jurisprudence récente semble remettre en question des principes fondamentaux, tels que la relativité des conventions. Cet arrêt pourrait marquer un tournant dans le traitement des recours des assureurs subrogés, en introduisant de nouvelles complications dans un domaine déjà complexe.
La créativité du droit des assurances est pour le juriste une source permanente d’étonnement, et parfois même, quand on lit l’arrêt de la Chambre commerciale du 3 juillet 2024 (n°21-14.947), d’interrogations. Cette décision pose en effet qu’une clause limitative de responsabilité, inscrite dans un contrat-cadre de manutention, peut être opposée à un assureur subrogé, « tiers victime » de l’exécution de ce contrat et exerçant une action délictuelle, au motif que (point n°13) : « Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants. »
Cette affirmation apparaît pour le moins étonnante pour le civiliste car elle assimile a priori un assureur subrogé à un tiers au contrat de base et semble ignorer, via son fondement délictuel assumé, un principe fondateur du Code civil, qui est celui de la relativité des conventions (article 1165 ancien, ici applicable, du Code civil : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 »).