L’Union des assisteurs représente 96 % d'un secteur qui connaît une dynamique de croissance en 2024. Dans cette interview, Jean-Matthieu Biseau (Opteven), ex-président de la fédération professionnelle, et son successeur Nicolas Sinz (Europ assistance) depuis février 2025, reviennent sur les grands enjeux et décryptent les aspects opérationnels, sociaux et stratégiques du marché de l’assistance.
Que pouvez-vous nous dire sur le secteur de l’assistance en France en 2024 ?
Jean-Matthieu Biseau : Actuellement, nous comptons plus de 12 500 collaborateurs en France et nous traitons chaque année près de 13 millions de dossiers (12 820 000 pour 2024, +2% vs 2023), dont plus de 7 millions liés à l’automobile. Ce segment représente 63% des dossiers traités en 2024. Ces derniers s’élèvent à 8 130 000, soit une hausse de 4% par rapport à 2023.
2024 est une année de croissance, à la fois sur le plan financier et opérationnel. La saison estivale a d'ailleurs été un bon indicateur de la tendance générale de l’exercice où nous avons enregistré une hausse globale du nombre de dossiers de 3 % avec une augmentation de 5 % pour l’automobile.
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Nous avons réussi à recruter 2 000 saisonniers sans difficulté et à anticiper les volumes (1 870 000 dossiers et 6 657 000 appels entrants et sortants entre juillet et août). Nous sortons enfin de la crise post-Covid, qui avait fortement perturbé le recrutement en 2022 et 2023.
Comment pallier vos difficultés de recrutement ?
JMB : Nous avons revu nos stratégies de recrutement et d’intégration des jeunes dans l’entreprise. Nous les accompagnons davantage lors de leurs premiers mois, notamment à travers l’action des managers de proximité formés dans cet objectif. Le turnover des jeunes salariés dans l’assistance a ainsi diminué de moitié en 2024 par rapport à 2022-2023. Par ailleurs, les collaborateurs plus âgés restent toujours aussi fidèles et continuent de travailler dans la durée avec nous.
Nicolas Sinz : Nos métiers sont exigeants, nos collaborateurs doivent gérer des situations de stress et résoudre rapidement les problèmes des clients. Mais c’est justement cet engagement et cette utilité sociale qui attirent de nouveaux talents. Nous sommes aussi dans un secteur en pleine croissance, pour lequel les besoins des Français ne cessent d’évoluer.
Quels sont les besoins des Français ?
NS : Les Français sont de plus en plus conscients de la nécessité d’être bien couverts, que ce soit pour l’automobile ou les voyages. Pour le secteur voyage, 479 000 dossiers ont été traités, soit +26% vs 2023. Ce segment représente près de 4% de l’activité. Nous constatons une forte hausse des demandes d’assistance, et nos clients sont également plus exigeants en matière de services. En parallèle, les comportements changent. Autrefois, les Français étaient plus autonomes sur certaines interventions. Aujourd’hui, ils préfèrent faire appel à des professionnels.
Comment l’Union des assisteurs a-t-elle évolué depuis sa création ?
NS : À l’origine, le Syndicat national des sociétés d’assistance (SNSA) était principalement centré sur des questions sociales et RH. Depuis plus de dix ans, nous avons élargi notre champ d’action. Nous avons mis en place des outils et des plates-formes technologiques communes pour améliorer la relation entre les assisteurs et leurs prestataires, ainsi qu’avec l’État. Cela nous permet de fluidifier les échanges et de renforcer l’efficacité du secteur.
Le sujet social reste-t-il une priorité ?
JMB : Absolument, c’est toujours la colonne vertébrale de notre engagement. En 2024, nous avons même renforcé nos ambitions sociales, notamment sur la question du handicap et de la qualité de vie au travail.
NS : Nous avons élaboré, avec les organisations syndicales, un projet d’accord sur le handicap qui sera mis à la signature paritaire dans les semaines qui viennent. Cet accord devrait permettre d’améliorer, entre autres, la prise en charge des employés en situation de handicap. Nous avons plus globalement élaboré une feuille de route sociale ambitieuse qui intègre, outre les sujets de négociations à traiter, l’objectif de mieux faire connaître notre secteur et renforcer son attractivité sur le marché de l’emploi.
Par ailleurs, nous réfléchissons aux enjeux d’avenir de notre métier : électrification du parc automobile, vieillissement de la population, transformation du secteur de la santé, digitalisation, intelligence artificielle, RSE, décarbonation…
Quel bilan faites-vous de votre activité santé/services à la personne ?
NS : Cette activité représente 11% des dossiers traités et est en croissance en 2024, avec 1 450 000 dossiers (+5% par rapport à 2023). Les politiques publiques continuent de soutenir le grand âge, favorisant le bien vieillir à domicile. Dans ce contexte, plusieurs sociétés d’assistance déploient un écosystème complet de services dédiés (aide à domicile, care management, téléassistance, télémédecine…). Toutefois, elles rencontrent des difficultés à mobiliser les réseaux de prestataires de services à la personne, ces métiers souffrant toujours d’un manque d’attractivité.
Allez-vous accueillir de nouveaux membres ?
JMB : À ce jour, l’Union compte 9 membres, représentant 96 % du secteur. Ce nombre ne devrait pas évoluer à court terme. Pour mémoire, la dernière adhésion remonte à 2010 avec Opteven.
NS : Nous n’avons pas de démarche active de recrutement, mais nous sommes ouverts à étudier toute nouvelle demande d’adhésion de sociétés d’assistance.
Quelle est la relation entre l’Union des assisteurs et les pouvoirs publics ?
JMB : Nous avons un dialogue régulier avec différents ministères (Intérieur, Santé, Transports). Un exemple concret de cette collaboration est l’eCall 112, un dispositif lancé en 2018 en partenariat avec le ministère de l’Intérieur et entièrement financé par France assureurs.
Pour rappel, l’eCall est le dispositif d’appel d’urgence embarqué sur tous les nouveaux modèles de véhicules depuis 2018. Il permet d’envoyer automatiquement une alerte vers les plates-formes des sociétés d’assistance en cas d’accident afin de pouvoir faire intervenir les services d’urgence le plus rapidement possible.
Quel est justement le bilan de l’eCall ?
JMB : En 2024, les quatre sociétés d’assistance françaises (Opteven, IMA, Mondial assistance et Europ assistance) ont traité 371 000 appels eCall, dont 205 000 véritables alertes traitées par les plates-formes spécialisées. Parmi elles, 14 000 concernaient des accidents graves et ont été transférées vers les services d’urgence donnant lieu à l’intervention des secours. Ce dispositif a un double avantage : désengorger les services d’urgence en évitant les appels inutiles aux pompiers, et optimiser la prise en charge des accidents graves. En 2024, moins de 5 % des appels ont nécessité l’intervention des services d’urgence, permettant que ces derniers se concentrent sur leur mission de secours.
Comment traitez-vous ces appels ?
JMB : Nous disposons de quatre centres en France, avec une centaine de collaborateurs dédiés à ce service et disponibles 24h/7j.
NS : Il faut rappeler que l’eCall représente une toute petite partie de l’activité des assisteurs. La convention avec l’État doit être renouvelée par la signature des deux ministères de l’Intérieur et de la Santé d’ici fin mars.
Quels sont les objectifs de l’Union des assisteurs pour 2025 ?
NS : Nous poursuivons les ambitions définies sous le mandat de Jean-Matthieu Biseau, notamment en matière d’attractivité RH. Nous avons prévu de signer, dans le courant du premier semestre, un accord dont l’ambition est d’augmenter le taux d’emploi des personnes en situation de handicap à 6% d’ici trois ans. Nous recruterons également plusieurs milliers de collaborateurs en 2025 pour compenser le turnover et accompagner la croissance de nos activités.
Quels sont les métiers d’avenir de l’assistance ?
NS : Au-delà de l’automobile et du voyage, nous voyons déjà une forte croissance dans des secteurs comme l’assistance habitation, la santé et les services à la personne, la téléconsultation médicale et la conciergerie. Nous anticipons notamment un fort développement des services à domicile pour les seniors d’ici 2030.
JMB : Mon mandat s’est terminé le 7 février 2025. Nicolas Sinz est désormais le président de l’Union, et Marie Bazetoux (Filassistance-La Banque postale) devient vice-présidente. Le secteur de l’assistance connaît une forte croissance et continue d’évoluer pour répondre aux nouveaux besoins des Français. L’Union des assisteurs s’engage sur l’attractivité RH, la digitalisation et l’innovation, tout en consolidant ses relations avec l’État et ses partenaires.