Retraite collective

La réglementation fait tourner les tables

Publié le 24 octobre 2024 à 8h00

Sarah Noufi    Temps de lecture 4 minutes

La loi industrie verte, promulguée en octobre 2023, supprime les tables de mortalité genrées en retraite collective via son article 35 ce 24 octobre 2024. Nicolas Thilliez, actuaire associé chez Galea, et Gildas Robert, directeur exécutif au sein d'Accenture (anciennement Optimind), soulignent les impacts sur le calcul des rentes.

Le projet d’arrêté a été discuté avec les parties prenantes (Trésor d’un côté, France assureurs et l’Institut des actuaires de l’autre), mais aucun texte d’application finalisé n’a encore été publié. « Il est attendu depuis la fin du printemps. S’agissant de la table mixte à utiliser, il semble qu’un consensus se soit dégagé, mais – à date – un certain nombre de cas particuliers mériteraient des clarifications. Dans tous les cas, à l'heure actuelle, l’utilisation des tables genrées en tarification est prohibée dans les conditions prévues par la loi », déclare Nicolas Thilliez, actuaire associé chez Galea.

TGH05 et/ou TGF05 ?

La loi industrie verte indique en effet que cette disposition doit entrer en vigueur un an après sa publication au JO le 23 octobre 2023. « Les assureurs devront donc adapter leurs processus de gestion avec une table unique pour les nouvelles adhésions à compter de ce 24 octobre et lors des renouvellements des contrats pour les adhésions antérieures », indique Gildas Robert, directeur exécutif d’Accenture. « Ils opteront donc soit pour une table mixte entre les tables actuelles TGH05 et TGF05 (option privilégiée par les pouvoirs publics), soit pour une autre table unique pour la liquidation des droits », détaille Nicolas Thilliez. L’actuaire souligne toutefois que l’usage d’une table 100 % masculine semble exclue, car elle entraînerait une sous-tarification du risque de longévité des rentes pour les femmes. Les assureurs pourraient donc opter pour une table féminine à 100 %.

Hors délai

« Les délais pour les assureurs sont très courts, notamment pour les contrats garantissant la table de liquidation à l’adhésion. Nous sommes déjà en octobre 2024, et, généralement, pour les contrats à renouvellement annuel, ces modifications doivent être réalisées pour le 1er janvier 2025 », précise Gildas Robert. En effet, dès l’entrée en vigueur du texte, de nombreux contrats d’assurance devront être modifiés ainsi que la notice d’information communiquée à l’assuré. « Or, la notice est censée être transmise au minimum trois mois avant la modification du contrat, explique-t-il. Nous sommes arrivés à la date d’entrée en vigueur de la loi et ni l’arrêté ni aucune modification n’ont été publiés, ni aucun envoi de nouvelles notices d’information. »

Les régimes à cotisations définies posent également des questions quant au calcul des rentes viagères et au coefficient de rente à appliquer pour transformer le capital en revenu mensuel. « Du strict point de vue actuariel, les tables genrées apparaissaient fondées, car le risque de mortalité est bel et bien différent entre les femmes et les hommes (86 ans contre 80,5 ans). Il était donc techniquement logique qu’à capital constitutif égal, la rente versée ne soit pas la même », ajoute Nicolas Thilliez.

Nouvelles fondations

Les assurés ayant déjà liquidé leurs droits ne seront pas affectés par cette évolution, car leurs rentes ont été calculées selon les règles en vigueur à la date de leur départ en retraite. Pour les actifs, en revanche, les changements sont plus significatifs. Selon Nicolas Thilliez, « les hommes pourraient voir leur rente diminuer d’environ 12 % si la table féminine est utilisée, et de 5 % avec une table médiane. Les femmes, à l’inverse, verraient leur rente augmenter de 8 % avec la table médiane ». Ce changement de table impactera aussi la revalorisation des droits. Aujourd’hui, les résultats techniques des assureurs sont relativement stables et lisibles grâce à l’usage de tables distinctes pour chaque sexe. « L’adoption d’une table unique pourrait modifier cet équilibre », indique Gildas Robert. « Il faudra analyser les résultats techniques en fonction de la table choisie, à la fois pour l’ensemble du portefeuille et pour les contrats incluant une clause de participation aux bénéfices », conclut Nicolas Thilliez. Ainsi, les changements induits par la loi industrie verte imposeront aux assureurs une révision rapide de leurs processus pour se conformer à ces nouvelles règles tout en limitant les conséquences pour les assurés.

Un adieu définitif aux tables genrées

Déjà en vigueur depuis 2013 pour les contrats individuels, la suppression des tables de mortalité genrées s’étend désormais aux contrats d’épargne-retraite collectifs, notamment aux anciens articles 83, aux PERO et ex art. 39 & nouveaux L.137-11-2 du Code des assurances. Ces tables, qui en fonction de l’espérance de vie permettent de déterminer le calcul des rentes viagères, ne prennent plus en compte le sexe de l’assuré depuis ce 24 octobre 2024.

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