Présent en France depuis 1997, l’assureur QBE poursuit son développement sur le marché de niche de l’assurance des œuvres d’art. Il compte le musée d’Orsay et le musée Picasso parmi ses références. Mathilde Duthoit-Michelet, souscriptrice art et valeurs, décrypte les enjeux liés à l'assurance du transport d’œuvres d’art et l’importance de la relation avec les courtiers spécialisés sur ce segment de marché.
En quoi le transport est-il un risque majeur de l'assurance des œuvres d’art ?
Le transport d’œuvres d’art est la situation la plus risquée. Les clients pensent d’emblée assurance dès lors qu’il y a un transport. Les risques sont assez restreints pour une œuvre accrochée si elle est en stockage ou chez un particulier (les risques incendie et dégâts des eaux sont limités). Le transport d’œuvres d’art débute avec la manipulation, l’emballage, etc. Tout ce qui va composer le trajet de l’œuvre. Par exemple, les contrats des grands musées incluent un ensemble de prestations annexes comme la photographie, la numérisation des catalogues, le dépoussiérage, la restauration, le stockage intermédiaire. Dans la mesure où il y a énormément de manipulations (« handling »), il est impératif de couvrir tous les risques liés aux ruptures de charges.
Dans cette logique, que signifie l’assurance « clou à clou » ?
Elle définit tout le laps de temps où cours duquel l’œuvre est couverte en transport et en séjour pour une exposition temporaire. Dit autrement, entre le moment où elle est décrochée et le moment où elle est raccrochée ; cela inclut l’exposition temporaire entre les deux, mais aussi les opérations intermédiaires simples (mise en caisse, transport, stockage intermédiaire, déballage, installation…). L’assurance recouvre donc une multitude de facettes sous l’appellation « clou à clou ».
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Travaillez-vous avec des courtiers spécialisés ?
Nous avons instauré une véritable relation de confiance avec les courtiers spécialisés dans la mesure où l’assurance des œuvres d’art est un marché de niche. Le courtier spécialisé conseille le client et identifie son besoin. Au moment où il nous transmet l’information, QBE peut réaliser le sur-mesure qui est demandé. Il s’agit d’adapter les contrats à ce qui a été présenté. Le courtier est essentiel car il va traduire le besoin du client en garanties et prestations d’assurance ; QBE fait ensuite preuve de réactivité. Sur ce marché de niche, on compte en France moins d’une dizaine d’assureurs en souscription spécialisée et moins d’une dizaine de courtiers spécialisés. L’écosystème est assez concentré à Paris même si certains courtiers spécialisés sont installés en régions (dans le Sud-Est par exemple).
Qu’en est-il de la nature des contrats et des clauses qui couvrent les œuvres d’art transportées ?
Les contrats des œuvres d’art sont la plupart du temps tous risques. Nous sommes en « tous risques sauf » avec des franchises réduites. L’intérêt est de souscrire une assurance spécifique plutôt qu’une assurance transport ou une assurance dommages. L’assurance dommages a souvent des franchises importantes et exclut les objets précieux. L’assurance transport présente des clauses standard pour la marchandise qui ne s’appliquent pas aux œuvres d’art. Certaines clauses minimales sont attendues pour couvrir des œuvres d’art comme la clause d’inaliénabilité, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de délaissement au profit de l’assureur même s’il y avait une perte totale ou une perte partielle importante. C’est valable notamment pour les œuvres appartenant à des États, des collections publiques. L’assureur ne peut en devenir propriétaire et en tirer profit pour la suite. La clause « paire et ensemble » signifie qu’il est impossible de séparer des paires ; si l’un des deux est endommagé, c’est l’ensemble qui perd de la valeur (paires et triptyques). Enfin, la clause « restauration et dépréciation ». On ne parle pas de vétusté en matière d’œuvres d’art mais de perte de valeur du fait de la restauration.
Pourquoi distinguez-vous les cotations en fonction de la fragilité des œuvres d’art ?
Lorsqu’on parle d’assurance transport d’œuvres d’art, on parle d’assurance ad valorem. Il faut qu’elles aient été optées et choisies par le client. En l’absence de choix, ce sera toute la partie responsabilité civile du transporteur qui s’appliquera avec une limite de responsabilité internationale (30 € le kilogramme) qui n’est pas adaptée à la valeur d’une œuvre d’art. L’assurance dommages ad valorem tient compte en assiette de primes de la valeur de l’œuvre, de sa provenance et de sa fragilité. Le risque augmente dès lors que l’œuvre d’art est fragile (résine, verre, céramique, terre cuite, plexiglas). La fragilité n’a rien à voir avec la dimension précieuse. Toutes les œuvres sont précieuses. Une œuvre sous cadre ou sous-verre ne sera pas fragile alors que le verre peut se briser. L’œuvre en soi, c’est la toile ; le cadre, c’est l’accessoire. Les clients n’ont pas toujours conscience de l’impact d’une assurance dommages ad valorem par rapport à la responsabilité civile du transporteur.
Quelles sont les principales typologies de clients ?
Il existe trois grandes catégories de clients. Les musées d’une part ont un système automatique d’assurance ad valorem qu’ils notifient au transporteur ; les professionnels d’autre part sont moins nombreux mais ils constituent un grand fonds pour l’envoi des œuvres, il s’agit des galeristes, marchands d’art et salles de vente aux enchères. Et enfin les clients privés. L’assurance dommages ad valorem n’est pas systématiquement souscrite car elle relève du bon vouloir de ces clients.