Damyen Aquilina et Gildas Robert, directeurs exécutifs d’Accenture, analysent la récente acquisition du cabinet d’actuariat Optimind, exposent les synergies recherchées, et évoquent les risques auxquels fait face l’assurance alors que se tient actuellement le Congrès des actuaires.
Sur quoi repose l’acquisition d’Optimind par Accenture ?
Damyen Aquilina : L’acquisition d’Optimind a principalement permis de renforcer notre capacité à couvrir les grands enjeux de transformation des acteurs de l’assurance, mission importante pour Accenture. Nous avons particulièrement renforcé nos compétences dans le domaine des risques, notamment quantitatifs, pour mieux répondre aux défis liés à l’exploitation des données et à la révolution en cours de l’intelligence artificielle. Accenture a une longue tradition de maîtrise technologique associée à une connaissance sectorielle. L’expertise pointue d’Optimind en actuariat nous permet aujourd’hui d’appréhender encore mieux l’industrie de l’assurance et ses produits et d’adresser ces sujets de manière encore plus efficace.
Quelles sont les synergies mises en place ?
Damyen Aquilina : Nous avons d’abord un enjeu majeur lié à l’industrialisation des processus chez nos clients, qui nécessite une compréhension approfondie des processus actuariels, la maîtrise des données, ainsi que la gestion de la chaîne de production informatique et des enjeux au sein des directions comptables, d’actuariat et de contrôle de gestion.
L’acquisition d’Optimind nous permet de mieux appréhender les enjeux auxquels l’industrie doit faire face pour répondre à l’ambition d’industrialisation qui animent nos clients en assurance (réduction des délais de clôture, capacité à analyser plus rapidement les scénarios économiques et leurs impacts, etc). Ensuite, nous voyons un second enjeu dans l’accompagnement des fusions et acquisitions au sein de l’assurance. Nous sommes convaincus que de telles opérations vont nécessiter un suivi encore plus rigoureux permettant de couvrir de façon complète les enjeux financiers, en termes de gestion des risques et de conformité.
Gildas Robert : En tant qu’« ancien Optimind », je pourrais compléter en soulignant que l’intégration des équipes d’Optimind génère des synergies très directes avec les métiers finance et conformité d’Accenture. Par exemple, l’actuariat, étroitement lié aux réformes comme IFRS 17, est intrinsèquement connecté à la finance, ce qui crée des synergies évidentes au sein des directions financières. C’est effectivement également le cas des projets d’intrégration financière suite à des opérations de M & A. De plus, comme Damyen l’a mentionné, l’industrialisation des processus des directions techniques et financières, ainsi que la transformation et l’application des nouvelles technologies dans l’assurance, sont des domaines où les expertises d’Optimind gagnent beaucoup à être combinées aux métiers de la transformation et de la technologie d’Accenture.
Quels sont les risques émergents de l’assurance qui représentent des enjeux pour ce rapprochement ?
Gildas Robert : Il y a de nouveaux risques que l’industrie de l’assurance va devoir appréhender de façon plus complète et plus précise. On peut d’abord mentionner les risques climatiques. Les concernant, il y a un premier volet essentiel, celui de leur quantification. C’est précisément la spécialité d’Optimind. Cependant, les assureurs intègrent souvent de nombreux volets dans leurs projets liés aux risques climatiques. Mais déjà si l’on se concentre uniquement sur la quantification, les modèles actuariels doivent disposer de données pertinentes et de systèmes d’information robustes, afin de collecter ces données, réaliser les calculs et produire les rapports nécessaires. On voit ici les synergies à l’œuvre : historiquement, Optimind se concentrait sur la quantification, mais grâce aux équipes d’Accenture, nous sommes désormais capables de traiter l’ensemble du processus, de la collecte des données à la mise à niveau des systèmes d’information, jusqu’à la communication financière des assureurs. Nous offrons ainsi une approche complète et intégrée des risques climatiques.
Damyen Aquilina : En plus de la modélisation quantitative des risques climatiques mentionnée par Gildas, ces risques ont également des répercussions plus larges sur la communication financière et la production d’indicateurs, devenus essentiels pour les institutions lors de la publication de leurs résultats et stratégies. Nous sommes convaincus que la maîtrise de ces risques permettra à nos clients, les grands assureurs, de mieux valoriser leur travail quotidien, que ce soit en matière de prévention, d’accompagnement des familles et des entreprises touchées, ou de leur impact sociétal. Nous les soutenons également sur les aspects de reporting liés aux risques climatiques. Un autre risque émergent que nous aspirons à mieux accompagner est le risque cyber. Avec la numérisation croissante des données, une réglementation stricte, comme le RGPD, s’est mise en place. Accenture excelle historiquement dans ces domaines de conformité. Cependant, face à l’augmentation significative des cyberattaques, les assureurs ont un rôle crucial à jouer, bien que la quantification de ces risques soit complexe. Cela nécessite une compréhension approfondie de l’écosystème informatique de nos clients et des impacts potentiels de ces attaques. La synergie entre le savoir-faire quantitatif d’Optimind et l’expertise d’Accenture en matière de sécurité informatique, notamment via notre offre Accenture sécurité, permet une prise en charge complète de ce risque, de la prévention à la gestion des sinistres. Ainsi, nous offrons une couverture intégrale tout au long du cycle de vie des risques climatiques et cyber.
Quid de la révision de Solvabilité II ?
Gildas Robert : Il y a trois axes principaux, tous très intéressants. Le premier est la mise à jour technique des éléments en lien avec les taux d’intérêt dans la réglementation Solvabilité II – courbe de taux et coût en capital lié aux produits de taux. En effet, la réglementation dans son calibrage actuel, prenait très mal en compte l’environnement de taux bas voir négatifs que nous avons vécu… depuis son entrée en vigueur en 2016 ! Cette mise à jour est devenue moins cruciale avec la récente remontée des taux, mais elle demeure importante pour la stabilité future du secteur. Le deuxième axe concerne les mesures compensatoires qui réduisent le coût en capital pour les assureurs. Ces ajustements permettent de maintenir une capitalisation adéquate sans alourdir inutilement les règles, notamment en comparaison avec les exigences prudentielles des assureurs hors Europe. Des exemples incluent la réduction du coût en capital pour le calcul de la marge de risque et l’élargissement du module LTEI, favorisant ainsi les investissements en actions. Le troisième axe porte sur la proportionnalité, facilitant l’application de Solvabilité II pour les assureurs de taille moyenne. Ces mesures allègent les exigences de reporting et de calcul pour les petits acteurs, rendant le régime plus adapté à leur taille. En somme, cette réforme est positive pour le marché. Elle améliore la rigueur technique et le calibrage de Solvabilité II tout en allégeant certaines contraintes, favorisant ainsi l’investissement en actions et le financement de l’économie. C’est une évolution favorable et bien alignée avec les besoins du secteur.