Le directeur général de l’Agence de lutte contre la fraude à l’assurance (Alfa), laquelle regroupe 350 adhérents, expose les tendances en matière de fraude à l’assurance en 2025. Maxence Bizien pointe l’essor de la fraude documentaire et la professionnalisation des fraudeurs sur les réseaux sociaux. L’agence mise sur l’ouverture de sa gouvernance aux entreprises de la Fédération nationale de La Mutualité française (FNMF) et du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) mais également sur ses services aux tiers agréés. Dans le cadre du PLFSS 2025, l’Alfa réaffirme l’ambition des assureurs santé d’obtenir une base légale claire et renforcée permettant l’échange d’information entre le régime obligatoire et les organismes complémentaires.
Vous avez participé à la conférence organisée par France assureurs lors de l’événement SMART* en décembre à Paris. Quels sont les chiffres clés de la fraude à l’assurance et les tendances fortes ?
En 2023, 662 M€ ont été bloqués sur 695 M€ de fraude identifiée au total ; 485 M€ pour la fraude à l’assurance dommages, 96 M€ en prévoyance, 83,5 M€ pour la fraude à l’assurance santé et 31 M€ en épargne. Le montant de la fraude à l’assurance identifiée a progressé de 18,4 % par rapport à l’année 2022. En tendance, on enregistre une fraude documentaire, une professionnalisation de la fraude et un essor des réseaux sociaux comme vecteurs. Fait marquant, il existe une industrialisation de la fraude sur les réseaux sociaux qui passe par exemple par l’achat de kits prêts à l’emploi. C'est valable pour le bris de glace mais on peut parler de fraudeurs multicartes, qui utilisent le digital via le phishing pour récupérer des informations, les exploiter et les vendre dans le cadre de l’assurance vie par exemple ou exploiter les informations pour s’introduire dans les portails clients. Ces multicartes quelquefois basés à l’étranger disposent d’appuis locaux, des sociétés créées en France, en sommeil, des coquilles vides dont la vocation est de faire transiter l’argent sur les comptes. Il peut également s’agir de particuliers basés en France, des « mules ». Sans compter les vendeurs de leads commerciaux, chargés de mettre en relation des prospects potentiels avec des professionnels peu scrupuleux en recherche de complices. La fraude à l’assurance est un phénomène global. En Asie par exemple, la fraude financière est une menace prise au sérieux puisque inhérente à la criminalité organisée dont l’objectif est de soutirer de l’argent et de blanchir des capitaux.
Dans ce contexte, quelle est votre stratégie d’action pour 2025 ?
Notre stratégie repose sur deux fondamentaux : la montée en compétences de notre écosystème par la réalisation de séances de sensibilisation et de formations (plus de 900 personnes ont été sensibilisées ou formés en 2024 dont 91 formations avec plus de 720 participants) ; et la mise en œuvre de services spécifiques pour favoriser la lutte contre la fraude, c’est-à-dire la production de notes alertant sur des modes opératoires ou des menaces en cours et, ce qui constitue notre cœur de métier, la coordination d’affaires entre organismes d’assurance. Au-delà de ces piliers, notre stratégie s’appuie sur l’ouverture de notre gouvernance aux entreprises de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) et du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) en plus de celles affiliées à France assureurs, déjà représentées. En complément, nous ouvrons tout ou partie de nos services à une nouvelle population, les tiers agréés. Qu’il s’agisse des courtiers exclusifs à 100 % d’une entreprise d’assurance dont la particularité est de travailler uniquement pour un assureur membre de I’Alfa ; des courtiers délégataires de gestion ayant dans le périmètre de leur délégation la lutte contre la fraude ; des plates-formes de santé ; des tiers payeurs et organismes de sécurité sociale listés à l’article R.111-1 du Code de la sécurité sociale et concourant à la lutte contre la fraude. Enfin, en matière de digitalisation, nous misons sur la généralisation des API pour l’un de nos principaux outils et sur le renforcement de la sécurité de nos infrastructures et de nos applicatifs.
Dans le cadre du PLFSS 2025 à nouveau au Parlement, l’Alfa a-t-elle des attentes ?
Nos attentes dans le cadre du PLFSS 2025 sont précises. Nous souhaitons d’emblée obtenir une base légale claire et renforcée permettant l’échange d’information entre le régime obligatoire et les organismes complémentaires. Cela passe par une approche pragmatique des modalités de mise en œuvre de ces échanges en les affinant par le dialogue, assortie d’une nécessaire prise en compte des acteurs déjà existants. Il est notamment question d’un intermédiaire entre le régime obligatoire (RO) et les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam). Il ferait sens de s’appuyer sur les structures existantes et qui fonctionnent. Enfin, nous plaidons aussi en faveur de la reconnaissance et du calcul du préjudice des Ocam en cas de fraude à l’assurance.
* Le Sommet pour Mobiliser Aujourd’hui sur les Risques et les Transitions (SMART) a eu lieu le 19 décembre au Carreau du Temple à Paris.