Face à la montée des pratiques frauduleuses dans l’assurance construction, Virginie Massé et Louis Boissonnet de QBE alertent sur les risques pour les particuliers et exposent les stratégies pour contrer ces dérives.
Les produits d’assurance obligatoires, notamment dans la construction, semblent de plus en plus exposés à la fraude. Quelle est l’ampleur du phénomène ?
Virginie Massé : Bien que la construction ait été historiquement moins touchée par la fraude que des secteurs comme l’automobile ou la santé, nous observons une nette augmentation des pratiques frauduleuses. Les attestations d’assurance falsifiées en sont un exemple. Ces documents peuvent être modifiés pour simuler une couverture valide ou élargir une activité assurée, trompant les consommateurs qui pensent être protégés.
Louis Boissonnet : Cette fraude touche particulièrement les garanties obligatoires, comme la garantie de parfait achèvement pour les maisons individuelles. Le problème, c’est que ces escroqueries impactent directement les particuliers, souvent peu informés, qui se retrouvent sans protection réelle lorsqu’un sinistre survient.
Quelles sont les explications de cette hausse de la fraude ?
V.M. : Plusieurs facteurs jouent un rôle. D’abord, les crises économiques récentes, comme l’explosion des coûts des matières premières ou les difficultés liées à la guerre en Ukraine, poussent certains acteurs à contourner les règles pour réduire leurs coûts. Ensuite, les outils technologiques modernes, comme les logiciels de retouche ou l’intelligence artificielle, facilitent la falsification de documents.
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L.B. : Il faut aussi noter que la construction est un secteur complexe, impliquant de multiples parties – artisans, maîtres d’ouvrage, assureurs. Cela crée des opportunités pour les fraudeurs. Par exemple, un artisan en difficulté financière peut présenter une fausse attestation pour remporter un marché.
Avec quelles conséquences pour l’écosystème ?
V.M. : Les assurés sont les premières victimes. Investir dans la construction d’une maison et découvrir que l’assurance fournie par son constructeur est falsifiée peut conduire à des situations dramatiques : des travaux inachevés, des recours judiciaires longs et coûteux, voire des pertes financières sans recours.
L.B. : Pour les assureurs, le problème est double. D’une part, nous devons gérer les réclamations frauduleuses, ce qui mobilise des ressources. D’autre part, ces pratiques ternissent notre image, même lorsque nous ne sommes pas responsables.
Quelles solutions QBE met-elle en place contre ces fraudes ?
L.B. : Nous adoptons une politique de tolérance zéro. Chaque cas identifié est systématiquement signalé aux autorités, et nous accompagnons les victimes dans leurs démarches. Mais au-delà de la répression, nous investissons massivement dans la prévention.
V.M. : Outre les outils technologiques pour détecter les falsifications, comme les systèmes d’analyse documentaire ou les solutions d’intelligence artificielle, nous collaborons avec France assureurs et avec le réseau Alfa pour renforcer la vigilance à l’échelle du marché.
Qu’en est-il des perspectives à long terme pour réduire le phénomène ?
V.M. : À long terme, il est essentiel de sensibiliser tous les acteurs – artisans, maîtres d’ouvrage, assurés – à l’importance de vérifier les documents contractuels. Nous travaillons aussi sur des solutions innovantes, comme l’utilisation de la blockchain pour sécuriser les attestations.
L.B. : La clé, c’est la coopération. Assureurs, régulateurs et pouvoirs publics doivent agir de concert pour protéger les particuliers et maintenir la stabilité du marché. Chaque action, même limitée en apparence, contribue à restaurer la confiance et à dissuader les fraudeurs.