François Renelier, responsable de la cellule énergies marines renouvelables pour Bessé industries service

« En matière d'EMR, les assureurs sont sur une courbe d'acquisition qui va recouper les besoins »

Publié le 27 juin 2024 à 9h00

Haude-Marie Thomas    Temps de lecture 5 minutes

François Renelier, responsable de la cellule énergies marines renouvelables pour Bessé industries service, travaille au développement des énergies marines renouvelables. Alors que le salon Seanergy bat son plein jusqu'au 28 juin à Nantes, il précise les enjeux de ce secteur, à la croisée de l’environnement marin et de l’énergie, sur lequel le courtier se développe depuis 2010, d'abord en support d’EDF sur le volet risques et assurances du site d’essai hydrolien de Paimpol-Bréhat.

Propos recueillis par Haude-Marie Thomas

Grâce aux derniers appels d’offres, vous intervenez sur des parcs éoliens en mer de plus en plus éloignés des côtes françaises donc de plus en plus complexes. Qu’est-ce que cela change pour vous ?

Nous sommes attributaires, pour le placement et la gestion des assurances chantier, de certains raccordements. Comme en Allemagne, la couverture assurantielle des câbles (raccordement) est distincte de celle des éoliennes (outil de production). Concernant l’aspect technique des trois derniers appels d’offres français pour l’éolien posé (Centre Manche 1 & 2 et Oléron), la distance à la côte joue sur les choix de raccordement, pour la première fois en France en courant continu. En effet, les éoliennes produisent du courant alternatif mais des sous-stations offshores le transforment en courant continu pour moins de déperdition, puis une sous-station terrestre reconvertit en courant alternatif. Les montants qui vont être recherchés par les courtiers afin de garantir la période des travaux – plus longs en durée et plus sophistiqués – sont donc plus importants.

Qu’est-ce que cela change sur le plan de l'assurance ?

Le fait d’avoir des sous-stations demande des montants de capacité plus importants mais c’est plutôt un élément qui va minorer le risque global : l’assiette de primes est plus importante puisqu’on assure plus d’éléments, et notamment la sous-station qui a une valeur importante, mais la sinistralité est moindre sur les sous-stations que sur les câbles. Cela nous ouvre à plus d’assureurs car certains ne souhaitent pas assurer des câbles sur une base stand alone.

La sinistralité sur les câbles concentre une part non négligeable de la sinistralité totale des parcs éoliens offshore. Comment aborder cette problématique en tant que courtier ?

Les câbles sont des éléments sensibles en phase d’installation et d’exploitation, compliqués à réparer – étant en milieu maritime, il faut couper le câble, remonter la partie défectueuse, corriger le problème puis refaire la jonction sous-marine – avec des moyens maritimes d’intervention peu nombreux et des approvisionnements en pièces de rechange qui peuvent être longs. Et en cas de sinistre sur un câble, l’impact financier est conséquent car la production est à l’arrêt faute de pouvoir exporter l’électricité. En tant que courtier, nous pouvons peser sur la façon de présenter le risque aux assureurs. Les gestionnaires de réseau mettent en place des stratégies de réponses adaptées en cas d’avarie avec des lots de câbles de rechange installés à des endroits critiques du territoire pour y accéder depuis différents champs, en préemptant des accès à des outils ou des moyens spécifiques par avance grâce au mécanisme de contrats cadres avec des opérateurs maritimes.

Quel est l’état de maturité du marché d'assurance des énergies marines renouvelables ?

Notre métier est d’anticiper le placement des raccordements en France, qui débuteront probablement l’année prochaine. Nous avons entamé un Nordic Trip au printemps en allant rencontrer des assureurs en Norvège, au Danemark et aux Pays-Bas. La Norvège dispose d’assureurs qui ont accompagné leurs partenaires historiques de l’oil and gaz vers les énergies marines renouvelables. Nous avons déjà travaillé avec eux sur des fermes éoliennes flottantes pilotes. Le Danemark a un historique très intéressant sur les éoliennes offshore et les Pays-Bas donnent accès indirectement à Londres depuis le Brexit donc les échanges ont été très fructueux. En juillet, nous irons directement à Londres puis nous terminerons les échanges avec les marchés traditionnels français ou basés en France. Nous avons toujours à cœur de faire émerger une solution d’apérition française ou au moins une approche continentale. On ne s’interdit pas, ensuite, d’aller à la rencontre d’autres marchés, comme Singapour qui est très en pointe sur l’énergie. Ces rencontres permettent de challenger les assureurs et de se mettre au goût du jour des appétits. Nous avons prévu de répéter ces formats régulièrement.

Quid du marché français ?

C’est un peu prématuré car le marché n’est pas consolidé. Ce qu’on peut dire c’est qu’on ne sent pas un appétit constant sur ces risques avec des marques d’intérêt ponctuelles puis des portes qui se referment. Mais nous sommes à la croisée du chemin avec des projets qui seront prochainement raccordés, donc un gisement de primes permettant la mutualisation, ce qui poussera les assureurs français à prendre une position forte. Les assureurs sont sur une courbe d’acquisition qui devrait recouper les besoins. Enfin, l’accompagnement de la décarbonation est un sujet stratégique pour les entreprises ce qui devrait peser favorablement dans la balance.

Quelle est la prochaine évolution technique à venir ?

Les fermes d’éoliennes flottantes devraient lever un certain nombre de restrictions rencontrées par l’éolien posé. On peut aller plus loin des côtes – pour une meilleure acceptabilité sociale – dans des zones où le plateau continental chute beaucoup plus vite comme en Méditerranée, et il est possible de remorquer les éoliennes vers un port pour les réparations. Les derniers exemples – une éolienne en panne en Écosse qui a dû être remorquée jusqu’en Norvège faute de zone de stockage/réparation adaptée à proximité – montrent toutefois qu’il est impératif d’adapter les infrastructures.

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