Pierre-Antoine Columelli, directeur assurance du groupe Geodis

«En cas de vol, l’enjeu est la vitesse de règlement du sinistre»

Publié le 7 septembre 2023 à 9h00

Louis Guarino    Temps de lecture 6 minutes

Dans un contexte post-pandémie et de crises multiples, le groupe Geodis, commissionnaire de transport, consolide sa stratégie de prévention et de lutte contre le vol de marchandises. Pierre-Antoine Columelli, directeur assurance groupe, décrypte les tenants et les aboutissants de cette stratégie globale.

Quels sont les ordres de grandeur du vol de fret chez Geodis ?

Les statistiques dont nous disposons ne permettent pas de dégager de tendance forte. C’est le message que j’ai transmis à la tribune de Paris-Mat en juin. Toutefois, en termes de temporalité, nous avons enregistré quatre vols importants de matériel à haute valeur ajoutée en 2020, aucun en 2021 et en 2022. Nous avons adopté des mesures qui ont été mises en place pour lutter contre les vols à la suite des quatre sinistres majeurs de 2020.

Comment travaillez-vous avec les assureurs et les courtiers ?

Lorsqu’un vol survient, c’est un sinistre normal. En revanche, ce qui est spécifique, c’est son aspect commercial. À l’occasion des quatre vols en 2020, nous avons bénéficié du fort partenariat construit avec nos assureurs. Notre courtier est Diot-Siaci. Nos assureurs transport sont Axa XL en apérition et AIG en coassurance. Le véritable enjeu en cas de vol, c’est la vitesse de règlement. Il faut faire en sorte que le dossier soit instruit le plus vite possible. Un dossier de vol est relativement simple, la réalité des faits est assez simple à établir. La quantification est également simple. La priorité est d’aller vite pour que le dossier arrive en haut de la pile chez l’assureur. C’est une urgence au sens commercial du terme.

D’après l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), 85 % des vols sont commis sur la route. Quelle est votre analyse ?

Je confirme les chiffres officiels de l’OCLDI ; le solde correspond à des vols en entrepôts, par voie aérienne ou voie maritime. La tendance que je perçois est inhérente à des points de fragilités, à la périphérie des aéroports : la région autour de l’aéroport d’Amsterdam par exemple, parce que cet aéroport est un point d’entrée important de fret de haute valeur. En 2023, nous n’observons pas d’inversion de tendance avec des réseaux criminels toujours plus sophistiqués.

Existe-t-il une saisonnalité dans l’activité criminelle ?

En règle générale, les plus gros vols sont commis aux mois de novembre et décembre. C’est la période où la grande distribution recharge ses stocks et où les nouveaux modèles sont présentés. Après la série de vols de 2020, le groupe a instauré des mesures de prévention drastiques qui ont bien fonctionnées. Il fallait comprendre le déroulé des faits et éviter qu’ils ne se répètent. En 2023, nous avons fait face à un vol selon un scénario différent avec implication d’un sous-traitant. Nous espérons exercer un recours complet à l’encontre de celui-ci sur le fondement de la faute inexcusable. La sélection des sous-traitants – ou « vetting » (1) – est un enjeu capital.

En quoi la sous-traitance est-elle un enjeu contre le vol ?

Les assureurs pourraient être tentés de demander une approbation préalable des sous-traitants ou les obliger à avoir à l’égard de Geodis les mêmes limitations de responsabilité que celles que nous avons à l’égard de nos clients (« back to back »). Mon rôle consiste à convaincre les assureurs de faire preuve de flexibilité et à leur apporter un éclairage sur la réalité de notre métier. En tant que commissionnaire de transport, nous avons des clients grands comptes et externalisons parfois notre activité auprès de sous-traitants pour offrir une solution supply chain adaptée. Nous vérifions que nos sous-traitants soient correctement assurés. En revanche, ils n’ont pas forcément des niveaux de garanties équivalents aux nôtres.

Quels sont les indicateurs utilisés par le groupe pour mesurer son exposition ?

En moyenne, un sinistre vol est huit fois plus cher qu’un sinistre toutes natures confondues. Je précise que la sinistralité se concentre davantage sur la région Europe du Nord-Ouest (France, Benelux, Allemagne). Nous sommes présents aux États-Unis sur le marché de la logistique contractuelle et la messagerie mais encore peu sur le segment du transport routier. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas de sinistres vol sur le marché américain.

Quel est votre décryptage du risque cyber dans la supply-chain ?

Le risque cyber complique la tâche du directeur assurance groupe. Les assureurs considèrent qu’un logisticien ou un transporteur est plus exposé à ce type de risque qu’une entreprise classique car la supply chain est au centre des flux. Les réseaux criminels paralysent tous les flux en attaquant un logisticien, lequel représente une cible de choix. C’est l’équipe du Chief Information Security Officer (CISO) qui va gérer le risque cyber. Cette direction travaille H24 sur la protection du groupe Geodis. En matière d’assurance du risque cyber, notre seule préoccupation est le placement du risque sur un marché réputé difficile.

En définitive, quel est votre degré d’exigence en matière de prévention ?

Pour certains types de transports terrestres, les assureurs nous obligent à faire appel à des transporteurs certifiés TAPA TSR (2). Nous sommes également amenés à coopérer avec les forces de l’ordre, tant en France qu’à l’étranger. En réalité, la politique de prévention chez Geodis est une exigence commerciale. Elle passe de facto par la sélection des sous-traitants afin d’éviter qu’un vol ne survienne et afin de garantir à nos clients un service fiable et performant. Notre intérêt premier et commercial consiste à éviter le sinistre.

(1) Le « vetting » est un terme issu du monde des courses hippiques employé pour la sélection des chevaux. Dans le commerce du transport, le « vetting » est l’analyse préalable de la qualité d’un prestataire ou d’un sous-traitant.

(2) L’association anglo-saxonne TAPA (Transport Asset Protection Association) fédère industriels, commissionnaires de transport et logisticiens dans la lutte contre la délinquance itinérante. La certification TAPA TSR (Trucking Security Requirements) est une certification valable trois ans. Elle permet de sélectionner des transporteurs notamment pour l’acheminement de marchandises sensibles sur des trafics identifiés à risque.

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