Santé prévoyance de la fonction publique

En attendant la réforme, la territoriale prend les devants

Publié le 8 novembre 2024 à 11h00

Sarah Noufi    Temps de lecture 7 minutes

Territoria mutuelle, spécialiste santé-prévoyance pour la fonction publique territoriale dans le giron du groupe Apicil, évoque les défis à relever dans l’attente de la transposition de l’accord national collectif du 11 juillet 2023, portant sur la réforme de la protection sociale complémentaire. Le passage des contrats de prévoyance individuels ou collectifs facultatifs en contrats collectifs obligatoires programmé par la réforme impose aux collectivités d’anticiper la mise en place de nouvelles couvertures pour leurs agents.

La réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) a été intégrée dans la loi de transformation de la fonction publique votée en 2019. Afin de préciser les modalités d’application de cette réforme, un accord collectif national a été signé le 11 juillet 2023. Le texte garantit aux agents en arrêt maladie ou invalidité le maintien de 90 % de leur rémunération nette. Cette garantie est acquise via des contrats collectifs à adhésion obligatoire, dont la cotisation est à la charge de l’agent et de la collectivité qui l'emploie. Cette dernière prenant en charge au minimum 50 % de la cotisation.

Selon la loi, dès le 1er janvier 2025, 1,94 million d’agents territoriaux, employés par les régions, départements, communes et établissements publics, auront accès à une couverture de prévoyance collective obligatoire financée à moitié par leur employeur. Celle-ci couvrira les incapacités, inaptitudes, invalidités et décès, compensant ainsi les pertes de revenus en cas d’interruption de travail.

Cependant, un obstacle subsiste : aucun décret d’application n’a encore été publié. Or, pour être pleinement effectif, l’accord doit être transposé dans la législation. « Nous bénéficions enfin d’un texte qui ouvre la voie à des contrats à adhésion obligatoire en prévoyance pour les agents territoriaux. Nous devons saisir cette opportunité afin de leur offrir un cadre stable en matière de protection sociale complémentaire », souligne Robert Chiche, président de Territoria mutuelle qui compte plus de 150 000 adhérents en prévoyance (et 15 000 en santé) en 2024.

Un besoin d’acculturation à la prévoyance collective obligatoire

Dans le cadre des discussions entre les assureurs et Guillaume Kasbarian, nouveau ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique, le rejet ou le report de cette réforme PSC n’a pas été évoqué et aucun calendrier précis n’a été annoncé par le gouvernement concernant l’obligation de la mise en place des contrats collectifs à adhésion obligatoire pour les agents territoriaux. « Nous sommes dans l’incertitude mais la volonté est là et nous accompagnerons les collectivités », annonce Nicolas Piotrowski, directeur général de Territoria mutuelle. Par ailleurs, le contexte budgétaire restrictif (5 Md€ d’économie attendue par le gouvernement en 2025) oblige les collectivités à mesurer leurs marges de manœuvres financières. « Il faut revenir au dialogue social et à l’acculturation de la prévoyance obligatoire dans les collectivités. Cela permettra un accord gagnant-gagnant entre collectivités territoriales et agents », ajoute-t-il.

À la demande des organisations syndicales, une rencontre a été organisée avec Guillaume Kasbarian le jeudi 7 novembre. « Cette rencontre sera l’occasion de se mettre d’accord sur les thématiques tellles que l’action sociale avec la poursuite des travaux sur la PSC dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, son adaptation dans l’État, ainsi que des sujets liés à l’invalidité », indiquait le ministère dans son communiqué de presse avant de recevoir les organisations syndicales.

À quand la mise en œuvre ?

À noter qu’au 1er janvier 2025, des contrats facultatifs en prévoyance vont arriver à échéance. « Quand la transposition de cet accord sera effective ? », interpelle Hélène Guillet, présidente du SNDGCT. Sur le terrain de la réforme de la PSC, le syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales œuvre auprès des élus pour les aider à s’engager dès maintenant sur la voie du contrat collectif à adhésion obligatoire en prévoyance pour leurs agents territoriaux.

Une incertitude à laquelle fait face également Sophie Le Port, secrétaire nationale de la fédération Interco CFDT. « La place de la CFDT dans les accords territoriaux doit être reconnue pour rapporter les inquiétudes des agents sur le terrain, notamment sur la transposition de cet accord. En effet, nous sommes obligés d’expliquer à la direction générale de la collectivité où nous en sommes et malheureusement, nous ne savons pas si l’accord sera transposé ou non en 2025. Le gouvernement n’apporte aucune réponse pour le moment », s’insurge-t-elle.

« Les avancées majeures de la PSC en santé et prévoyance sont une bonne nouvelle. Cette protection vit toujours avec des incertitudes législatives, y compris dans le privé. La mise en œuvre de ce dispositif en prévoyance dans le public est importante. D’ailleurs, dans le secteur privé, nous avions également commencé par traiter le sujet de la prévoyance avant celui de la santé. Il est certes compliqué de gérer les incertitudes mais nous pouvons tenir la barque. Nous devons tous juste prendre le temps de nous acculturer au mieux à ces nouveaux contrats collectifs prévoyance. Notre souci majeur n’est d’ailleurs pas le tarif mais plutôt la suppression des anciennes couvertures incomplètes pour en créer de nouvelles avec de bonnes garanties. La nécessité est donc de bien préparer en amont le dossier pour pouvoir aller au bout de ce processus et de maintenir la bonne intelligence du dialogue entre employeur assureur – élu. Les ajustements tarifaires seront annuels en prévoyance et nous pouvons le gérer », temporise Philippe Chou, président de Riskeo, cabinet indépendant d’actuariat conseil dédié à la protection sociale complémentaire.

Anticiper ce qui peut l’être

Bien qu’aucun décret n’ait encore été publié par le gouvernement sur l’application de la réforme de la PSC, un bon nombre de collectivités se sont déjà engagées. « De plus en plus de collectivités s’intéressent à ce système de régime à adhésion obligatoire sur la santé et la prévoyance. Au lieu d’attendre le cadre juridique du ministère, elles exploitent leur liberté d’administration pour agir de manière autonome », déclare Vincent Lescaillez, directeur général adjoint-RH et administration générale de Bordeaux Métropole et président de l’association des DRH des grandes collectivités.

Depuis janvier 2024, Bordeaux Métropole créé ses propres contrats locaux qui se rapprochent des accords nationaux de la réforme PSC. La métropole bordelaise met en place des contrats collectifs à adhésion obligatoire sur la prévoyance et la santé. « Nous y sommes arrivés car historiquement, nous avions déjà cette pratique d’auto-assurance avec plus de 80 % de nos agents adhérents aux contrats facultatifs en prévoyance », explique Vincent Lescaillez. « Les agents ont toujours été bien couverts sur le maintien de salaire en cas d’arrêt maladie (santé) mais pas sur les risques d’incapacité de travail, d’invalidité, d’inaptitude ou de décès (prévoyance). Nous avons donc travaillé sur cette problématique dès 2021 afin d’ajouter des garanties fiables dans les contrats prévoyance de nos agents », ajoute-t-il.

« La création de nos contrats est un franc succès », appuie Vincent Lescaillez. Les collectivités se sont donc engagées dans cette démarche ainsi que les organisations syndicales. Quant à la direction des ressources humaines, au cœur du dispositif, elle voit l’occasion de renforcer significativement sa marque employeur. « Trois points forts ressortent : la bonne gestion tripartite du dossier employeur/organisations syndicales/AMO (assistant à maîtrise d’ouvrage), la qualité de la couverture sociale avec une exigence sur le rapport garantie/tarif, et le renforcement du dialogue social pour encourager la création de ces contrats collectifs », conclut le directeur général adjoint de Bordeaux Métropole.

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