La Chancellerie a mis en ligne un avant-projet de réforme du Code civil, élaboré par un groupe de travail présidé par le professeur Philippe Stoffel-Munck, dont la phase de consultation publique prend fin le 18 novembre 2022. Ce projet de réforme prévoit une modification de certains textes pouvant entraîner d’importantes conséquences sur le régime de responsabilité des constructeurs et l’assurance construction.
L’avant-projet de réforme, qui supprime les articles 1788 à 1790 du Code civil, modifie profondément, à l’article 1786, le régime de la charge du risque en cas de perte de l’ouvrage avant la réception des travaux.
I- La perte de l’ouvrage en cours de travaux : un régime fondé sur la qualification de force majeure
Actuellement, selon la Cour de cassation, les causes ou l’ampleur de la perte de l’ouvrage survenue avant la réception des travaux sont indifférentes pour actionner le régime de l’article 1788 du Code civil faisant peser sur l’entrepreneur, qui a fourni la matière, la charge du risque. Autrement dit, en cas de perte de l’ouvrage de quelque manière que ce soit, l’entrepreneur devra supporter entièrement la charge du risque lorsqu’il a fourni la matière. Ainsi, en présence d’un entrepreneur qui fournit les matériaux de construction, la nature et la gravité de l’événement à l’origine de la perte de l’ouvrage n’a pas d’importance (1). Même si les auteurs du projet font toujours dépendre la charge du risque de la partie ayant fourni la matière, en proposant de retenir uniquement le critère de « cas de force majeure » pour répartir le risque de perte de l’ouvrage, ils transforment profondément la nature juridique de ce régime. À notre sens, on pourrait distinguer deux hypothèses en fonction de la partie qui a fourni la matière nécessaire à la construction de l’ouvrage :
- l’entrepreneur a fourni la matière et son travail : si l’ouvrage périt par cas de force majeure, l’entrepreneur devra supporter le risque de perte. Ainsi, le maître de l’ouvrage devra démontrer que la perte de l’ouvrage résulte d’un cas de force majeure pour faire supporter le risque à l’entrepreneur. Dans cette hypothèse, qui remplace celle de l’article 1788 du Code civil, les auteurs semblent vouloir conserver « un régime de transfert de risque » fondé sur la notion de force majeure ;
- le maître de l’ouvrage a fourni la matière et l’entrepreneur uniquement son travail : si l’ouvrage périt par cas de force majeure, le maître de l’ouvrage devra supporter le risque de perte. Ainsi, l’entrepreneur, qui démontre que la perte de l’ouvrage résulte d’un cas de force majeure, pourra se libérer de sa responsabilité. Dans cette hypothèse, qui remplace celles des articles 1789 et suivants, les auteurs semblent instaurer « un régime de responsabilité civile » permettant à l’entrepreneur de s’exonérer de sa responsabilité par la preuve d’un cas de force majeure.
Par conséquent, l’article 1786 du projet de réforme pourrait cristalliser un nouveau contentieux très casuistique sur la qualification de force majeure en bouleversant la stabilité du régime de l’article...