Le contexte de crise sanitaire pousse les acteurs du secteur de la construction à s’interroger quant à l’étendue de leurs obligations vis-à-vis de leurs employés et cocontractants. Les récents amendements législatifs ont profondément bouleversé l’arsenal juridique français. Après avoir rappelé , l'auteure cherche à savoir si l’employeur peut légitimement évoquer la crise sanitaire comme une cause de force majeure (ou autre cause éxonératoire de sa responsabilité) afin de se libérer de ses obligations vis-à-vis de ses cocontractants.
avocate aux barreaux de Paris et de Saint-Pétersbourg (Russie)
1 - Sur les causes exonératoires de responsabilité
Sur ce point, il convient de relever qu'à l'issue de la communication du 19 mars 2020 « Coronavirus Covid-19 : chefs d’entreprise, le ministère de l’Economie est à vos côtés », l’Etat et les collectivités locales reconnaissent le coronavirus « comme un cas de force majeure ».
Ainsi, lorsque l’entreprise estime pouvoir subir d’autres conséquences de la crise sanitaire que le paiement des pénalités de retard (lesquelles sont désormais suspendues) ou l'engagement de sa responsabilité vis-à-vis des contractants ou des tiers, il pourrait être dans son intérêt de se prévaloir de causes exonératoires de responsabilité prévues par la loi et dans ses marchés.
Parmi celles-ci, pourraient être évoquées la force majeure (A), les clauses légitimes de suspension des travaux (B) et l’impossibilité d’exécuter (C). Nous rappelons leurs conditions et modalités d’application ci-dessous, avant d’aborder les dernières dispositions réglementaires et les dispositions contractuelles permettant de bénéficier de la prolongation des délais (D) :
A - Force majeure
1 - Sur la jurisprudence rendue dans le secteur de la construction
Avant de nous pencher sur la jurisprudence rendue en la matière, il convient d’étudier les conditions de la force majeure et de l’impossibilité d’exécuter le contrat telles qu’elles découlent de la réforme du droit des obligations.
En matière de construction, il y a très peu d’arrêts reconnaissant que les critères de force majeure « définitive » sont tous réunis, justifiant ainsi de la résiliation du marché.
Parmi ces derniers figurent principalement :
D’autres cas de figure pourraient être cités comme relevant, selon la jurisprudence, des illustrations de la force majeure « temporaire », c’est-à-dire à l’origine de la suspension des travaux :
« Mais attendu, en premier lieu, que le tribunal, après avoir constaté que la construction de l’immeuble avait été interrompue par l’entreprise qui en était chargée et qui a été mise en liquidation des biens et avoir relevé que les époux...
. S’agissant des phénomènes naturels, relevons également l’arrêt rendu à propos des conditions atmosphériques, dont notamment la vitesse du vent à l’origine de la chute d’un mur pignon : Cet arrêt, bien que très éloigné de l’hypothèse d’une épidémie, permet tout de même de s’interroger sur le caractère imprévisible et irrésistible de cette dernière et ce d’autant plus qu’elle avait des précédents dans le passé (la peste, le choléra, la grippe espagnole en 1918). Au regard de l’ancienneté de ces épidémies, il est difficile de retrouver la jurisprudence rendue au moment des faits. Cela n’aurait probablement pas d’importance, au regard de l’état de la science et de la médecine qui ont évolué. Mais le simple fait de leur préexistence peut remettre en cause le caractère imprévisible de toute nouvelle pandémie. Dans la jurisprudence récente, sans grande surprise, la plupart des décisions rendues en matière de construction écartent la qualification de force majeure évoquée par les constructeurs ou les promoteurs. Il conviendrait donc d’étudier les critères prévus par la loi afin de savoir s’ils sont susceptibles d’être caractérisés dans l’hypothèse de la crise sanitaire liée à la pandémie Covid-19.