Un vin dégradé mais sans danger pour le consommateur est-il un vin altéré ? C’est tout l’enjeu de l’arrêt du 9 décembre 2020 () rendu par la Cour de cassation et publié au Bulletin.
Avocat associé, cabinet Choisez
Les circonstances de l’espèce, très particulières, expliquent cette décision qui peut sembler d’évidence, mais avait été écartée par l’arrêt de la cour de Dijon du 2 avril 2019, arrêt cassé pour violation de la loi, ce qui est un indicateur toujours pertinent de l’importance qu’attache la Cour de cassation à la règle rappelée.
En l’espèce, la société du Domaine du Moulin à l’Or va confier pour traitement l’ensemble de ses vins millésimés 2014 à la société Filtration services pour la filtration (opération destinée à améliorer la brillance du vin), le dégazage (qui permet d’améliorer l’arôme) et l’électrodialyse (afin de retirer les ions du vin), toutes opérations destinées à renforcer le goût, la présentation et le rendu du produit final.
Filtration services contactera un sous-traitant, la société Eurodia, pour la préparation de l’appareil d’électrodialyse, et lui remettra de l’acide nitrique et de la lessive de soude, achetés par elle auprès d’un vendeur, la société Le Goff – assurée chez AIG – et fabriqués par une société Brenntag, le producteur – assurée chez Generali.
On constatera, à la fin des opérations, une pollution des vins provoquant des désordres organoleptiques, soit une altération du goût du vin, désormais bouchonné.
Les sociétés Domaine du Moulin à l’Or et Filtration services ont alors assigné le vendeur et le producteur, outre leurs assureurs respectifs.
La cour de Dijon, au dernier état, rejettera les demandes en faisant valoir notamment que, au regard de l’article 1386-4 du Code civil, devenu 1245-3 du Code civil, « les produits litigieux ne sauraient être considérés comme défectueux dés lors qu’aucun danger anormal et excessif caractérisant un défaut de sécurité des produits n’est établi ».
En clair, la législation sur les produit défectueux ne pouvait selon les juges du fond être invoquée, faute de réel risque de sécurité des produits vendus, peu important qu’ils donnent au final un gout dégradé au vin (millésimé).