Un régime juridique, ici celui de la responsabilité du fait des produits défectueux, peut-il clore un recours avant même qu’il ait débuté, faute d’intérêt économique à agir ? C’est le sens de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 avril 2021 () qui va, au visa de l’article 1386-2 du Code civil ancien (désormais 1245-1 du Code civil), refuser d’indemniser les préjudices frappant le bien défectueux lui-même, en application stricte de ce texte.
Avocat associé, cabinet Choisez
Cet arrêt invite le praticien à essayer de comprendre la place que tient la responsabilité du fait des produits défectueux dans le système légal français, place particulière qui peut expliquer une certaine réticence à l’invoquer spontanément dans les contentieux.
Le régime de responsabilité du fait de produits défectueux est désormais codifié aux articles 1245 et suivants du Code civil, au sein du chapitre relatif à « la responsabilité extracontractuelle », alors qu’il s’agit avant tout d’un régime spécial de responsabilité issu de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, que le législateur français a mis tant de mauvaise volonté à transposer en 1998 qu’il faudra s’y reprendre par deux fois via les lois du 9 décembre 2004 et du 5 avril 2006.
Cette réticence s’explique par la faible marge que la directive européenne laissait aux législateurs nationaux, qui a d’ailleurs conduit la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre mixte du 7 juillet 2017 (n° 15-25.651) à poser que le juge saisi du fond devait examiner d’office l’applicabilité au litige des règles d’ordre public issues de la directive de 1985 (sur le régime en général, voir Droit des obligations de B. Fages Ed. Lextenso 2020 n° 417 et suivants).
Certes, l’article 1245-17 du Code civil semble laisser un choix ouvert à la victime entre ce régime de responsabilité du fait des produits défectueux et le droit de se prévaloir « du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle », mais la jurisprudence de la...