Un enfant peut-il réclamer réparation du préjudice de la mort de son père alors que celle-ci est intervenue avant sa naissance ? La Cour de cassation a enfin tranché, après des décisions contradictoires appuyées sur la seule question du lien de causalité entre le fait et le dommage.
docteur en droit, AVOCAT À LA COUR, CABINET CAMACHO & MAGERAND
Voilà une question bien délicate enfin traitée par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 décembre 2017 : un enfant né après le décès accidentel de son père peut-il réclamer à l’auteur responsable un préjudice moral alors qu’il était simplement conçu lors des faits ?
Notre cour suprême répond par l’affirmative : « Mais attendu que, dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu ; qu’ayant estimé que Zachary X... souffrait de l’absence définitive de son père décédé dans l’accident du 9 septembre 2008, la cour d’appel a caractérisé l’existence d’un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel de Abdallah X... et ce préjudice ».
La question, enfin réglée par cet arrêt, ne fut jamais clairement abordée, tant dans sa conception juridique que dans sa conception morale, voire philosophique.
Un examen attentif de la jurisprudence montre, en effet, les interrogations fondamentales des juges à travers des décisions de justice aux motivations et solutions diamétralement opposées.
Une jurisprudence contradictoire
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas, bien entendu, de savoir si des parents ou grands-parents subissent un préjudice moral du fait du décès de leur enfant ou petit-enfant. Leurs préjudices moraux existent et seront indemnisés. Il s’agit de savoir si un enfant simplement conçu subit un préjudice moral personnel du fait du décès de son parent antérieur à sa naissance.
Les tribunaux du fond : de très nombreuses décisions des tribunaux du fond se sont prononcées sur l’admissibilité – ou non – du préjudice moral de l’enfant à naître pour le décès de ses parents.
Parmi ces décisions, on peut relever un arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 30 janvier 2015 (n° 13-02241) qui refuse l’indemnisation du préjudice moral d’un enfant né après le décès accidentel de son père au motif que si l’enfant peut prétendre à l’existence d’un préjudice moral, en l’espèce celui de ne pas avoir de père en vie, cette prétention ne peut exister qu’à...