Dès lors que l’interdépendance entre un prêt remboursable in fine contracté par une SCI et des contrats d’assurance vie en unités de compte souscrits et nantis par les associés de ladite SCI en remboursement du prêt n'est pas établie, la banque prêteuse n’est débitrice, à l’égard de cette dernière, que d’une obligation d’information qui peut être acquittée par la remise d’un document comportant les caractéristiques essentielles du prêt.
ENSEIGNANT-CHERCHEUR À LA FACULTÉ DE DROIT, CONSULTANT
Les emprunteurs qui garantissent leurs prêts par le nantissement de contrats d’assurance vie en unités de compte cherchent presque toujours à engager la responsabilité des assureurs et intermédiaires d’assurance au titre du manquement aux obligations d’information, de conseil et de mise en garde à chaque fois que les avantages escomptés de l’assurance ne sont pas au rendez-vous. Par ailleurs, si souvent l’emprunteur est en même temps le souscripteur du contrat d’assurance vie, rien n’interdit à ce qu’il soit une personne morale, qui plus est, constituée par le souscripteur de l’assurance vie.
Il ressort ainsi d’un arrêt rendu le 23 janvier 2019 par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans lequel une banque a accordé un prêt de 30 000 000 francs aux associés d’une société civile immobilière, prêt remboursable in fine avec un taux variable basé sur l’Euribor à trois mois majoré de 0,40 %, amortissable par échéances trimestrielles de 387 675 francs au titre des intérêts et une dernière échéance correspondant au capital emprunté au terme du prêt. Le crédit est garanti par un cautionnement solidaire des associés uniques et par le nantissement de contrats d’assurance vie qu’ils ont souscrit, par acte séparé, par l’intermédiaire de la banque. Le prêt est par la suite intégralement remboursé par la SCI, sans pénalité, au moyen d’un prêt amortissable d’une durée de quinze ans. Ayant constaté à la suite du rachat des contrats d’assurance vie que les sommes perçues sont moins...
et jurisprudentielle. En matière bancaire, l’information est une donnée essentielle. L’obligation d’information consiste à transmettre de bonne foi une information objective. Le débiteur de cette information est déchargé dès que l’information est portée à la connaissance du créancier. Le débiteur n’a pas à s’assurer que le destinataire de l’information en a compris le sens. Tel n’est pas le cas de l’obligation de conseil dans lequel le débiteur est tenu de s’assurer que le créancier a bien compris l’information qu’il a porté à sa connaissance. Le devoir de mise en garde quant à lui consiste à alerter le client, à attirer son attention sur les dangers liés à l’opération projetée. Mais cette solution qui met à la charge du banquier un devoir de mise en garde n’est pas sans limite. D’une part, elle impose seulement au banquier de vérifier la capacité financière de son client et de l’alerter de l’importance du risque encouru . D’autre part, elle ne concerne que les emprunteurs profanes et non les clients avertis. On observera que le caractère non averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal . En l’espèce, il est observé que l’offre effectuée à destination de la SCI présentait les caractéristiques essentielles du prêt. En effet, cette offre émise le 10 janvier 2001 à destination de la SCI comportait une proposition de prêt de quinze ans d’un montant de 30 millions de francs à taux variable, avec faculté de le transformer en taux fixe à tout moment, en précisant les conditions actuelles du marché sur le taux Eonia et le taux Euribor par comparaison avec le taux accordé aux emprunteurs sur sept, dix, douze et quinze ans, prévoyant que le remboursement du prêt se fera sans indemnité. La proposition de prêt comporte le coût total des intérêts qui y est chiffré et constitue le seul coût du crédit en l’absence d’autres frais. Il y est prévu que le taux variable des intérêts est de 5,169 % au jour de l’octroi du crédit, les intérêts sont payables trimestriellement pour un montant de 387 675 francs, le remboursement du prêt se fait en une seule fois à son terme et le taux variable peut être transformé en taux fixe à la demande de l’emprunteur. Au regard de ces éléments d’information et de l’expérience de l’emprunteur et de ses associés, la Cour de cassation a rejeté la demande fondée sur le devoir de conseil et de mise en garde. . Cette obligation de conseil suppose que les exigences et besoins du souscripteur soient recueillis par le professionnel afin qu’il puisse efficacement orienter le client vers le contrat le mieux adapté à sa situation personnelle. Ce conseil suppose, au préalable, que le professionnel ait informé son client sur les caractéristiques du contrat proposé, information cette fois objective, dont l’exécution peut être prouvée au regard de la teneur des documents contractuels. Or, en l’espèce, il n’est pas établi que l’établissement de crédit est un intermédiaire d’assurance qui aurait proposé à son client SCI de souscrire le contrat d’assurance vie qu’il commercialise. Certes, les personnes morales naissent, ont une vie et meurent, mais, à l’heure actuelle, elles ne peuvent souscrire de contrat d’assurance vie.