Le contentieux dans un environnement anglo-saxon confronte quasi immédiatement à l’expérience de la Discovery. Sous certaines limites, la Discovery oblige, schématiquement, les parties à l’instance à produire absolument tout ce qui est en lien avec le litige, même ce qui est couvert par une clause de confidentialité, les secrets industriels, éventuellement les éléments stratégiques du groupe… Tout ! Le gouvernement français s’est ému de cet état de fait et a missionné à l’été 2018 un groupe de réflexion pour offrir aux entreprises françaises des moyens juridiques de résister.
Avocat associé - DAC Beachcroft France, Avocat au Barreau de Paris et au
Rappelons rapidement les principes du mécanisme de Discovery. La Discovery (USA, Canada, Australie) ou Disclosure (Royaume-Uni, Hong Kong, Afrique du Sud…) est le mode légal de production des éléments de preuve qui impose aux parties à la procédure de produire l’intégralité des documents en leur possession qui sont en lien avec le litige. La Subpoena est un système très semblable qui oblige une personne, non partie à l’instance, à produire l’ensemble des éléments en sa possession et en lien avec un litige intéressant d’autres personnes.
La production est obligatoire pour les éléments favorables à l’argumentation de la partie concernée, comme pour les éléments défavorables. C’est là un point des plus surprenants pour ceux qui ne sont pas familiers des procédures anglo-saxonnes puisqu’il faut même produire les éléments qui pourraient conduire à sa propre condamnation.
Cette Discovery s’applique sur une période de temps particulièrement vaste puisqu’elle remonte dans le temps sans aucune restriction et elle se poursuit pendant toute la durée de la procédure.
La Discovery se heurte toutefois notamment à la protection du Privilege (1)
, qui est une application particulière de la notion de confidentialité entre une partie et son conseil, ainsi qu’aux difficultés qui peuvent surgir à travers la protection des données personnelles (2). Egalement, l’ampleur de la Discovery se heurte à la volonté des Etats de protéger les secrets industriels, stratégiques et financiers de leurs entreprises nationales. C’est ainsi que la France a édicté une loi dite de blocage en 1968. La loi de blocage est instituée sous réserve des traités et accords internationaux : elle ne peut notamment être invoquée si la demande est formée sur le fondement de la Convention de La Haye du 18 mars 1970, à laquelle la France et les Etats-Unis sont parties. Le texte prévoit un mécanisme de transmission des commissions rogatoires par le biais d'autorités centrales, ainsi qu'un mécanisme d'obtention des preuves par des agents diplomatiques ou consulaires ou par des commissaires désignés à cet effet. Lorsqu'il n'existe aucune convention applicable, des commissions rogatoires internationales peuvent être formées sur le fondement de la courtoisie et de la réciprocité internationales. Elles seront transmises par la voie diplomatique. L’édiction de lois de blocage n’est pas une lubie isolée du gouvernement français, loin de là ! Les Pays-Bas ont édicté des mesures similaires en 1956, le Canada en 1976, l’Australie en 1976, le Royaume-Uni et l’Italie en 1980.La loi de blocage de 1968
La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 (3) dite « loi de blocage » a été prise dans un contexte où les entreprises étrangères utilisaient le mécanisme de la Discovery pour piller les secrets industriels des entreprises européennes, et notamment françaises, en les forçant à produire leurs données les plus sensibles dans le cadre de procédures aux Etats-Unis.
En substance, la loi de blocage retenait les principes d’interdiction de communication « des documents ou renseignements relatifs aux transports par mer », sous peine de deux à six mois de prison et/ou 5 000 à 50 000 francs d’amende. Autant dire que l’ambition était plutôt maigre…