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Action de groupe

Nouvelle directive sur les « class actions » : une réforme inachevée ?

Publié le 15 septembre 2020 à 8h00

Emmanuèle Lutfalla, avocate associée

La directive sur les  actions représentatives » initiée par le Conseil de l’Union européenne vise expressément le secteur des assurances. Ainsi, la  class action » pourra porter sur l'obligation de conseil aux souscripteurs et la gestion des conflits d'intérêts en matière d'assurance vie. Cependant, les conditions fixées (qualité à agir et financement de la procédure) risquent de vider de sa substance le contenu de cette faculté.

Emmanuèle Lutfalla, avocate associée
Simon Fitzpatrick, élève-avocat, Signature litigation 

Malgré l'annonce récente d'une action de groupe contre les refus d'indemnisation des pertes d'exploitation, on ne connaît en France qu'une seule véritable class action introduite contre un assureur portant sur un contrat d'assurance vie. En l'espèce, le groupe demandeur qui comptait sept consommateurs contestait le taux d'intérêt contractuel pratiqué dans des contrats souscrits avant 1995 (1).

Axa-Agipi avait fini par saisir la Cour de cassation sur une question d'ordre procédural sans que le fond de l'affaire n'ait jamais été tranché (2). La Cour suprême était invitée à examiner si les conditions d'individualisation des membres du groupe étaient conformes aux exigences du Code de la consommation ainsi qu'à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme (3). Dans son arrêt du 27 juin 2018, la Cour de cassation rejetait le pourvoi aux motifs qu'il appartenait au juge du fond de répondre à ce type d'interrogation.

Lorsque le 30 juin 2020, le Conseil de l'Union européenne a publié l'accord relatif à la nouvelle directive sur les « actions représentatives » (4), il est apparu opportun de s'interroger sur l'impact potentiel de ses dispositions sur les assureurs, surtout que le nouveau texte devrait être voté avant la fin de 2020

. Il est vrai que la nouvelle directive se veut de grande envergure. Non seulement, elle autorise les consommateurs à solliciter une indemnisation financière (5) (la France l'avait déjà autorisée en interne), mais surtout elle renforce les actions transfrontalières permettant à des résidents de plusieurs Etats membres de se regrouper dans une seule et même action devant une juridiction unique d'un Etat membre (6). Pour la première fois aussi, le secteur de l'assurance est expressément visé (7). La nouvelle directive cite en effet deux directives européennes existantes en matière d'assurance : la directive Solvabilité II et la directive sur la distribution des assurances (8). Ainsi, la class action pourra-t-elle porter, par exemple, sur la nature des informations précontractuelles communiquées aux souscripteurs. En particulier, deux sources potentielles de class action peuvent être identifiées : l'obligation de conseil aux souscripteurs et la gestion des conflits d'intérêts en matière d'assurance vie. L'article L.521-4 du Code des assurances, qui est applicable pour tous les contrats d'assurance, prévoit que les assureurs et leurs intermédiaires doivent proposer un produit d'assurance adapté aux besoins du souscripteur et motiver leur choix. En matière d'assurance vie, ces obligations sont davantage renforcées par l'article L.522-5 I du Code des assurances. En effet, les assureurs et leurs intermédiaires doivent fournir un document écrit et se renseigner précisément sur la situation du souscripteur : sa situation financière, ses objectifs d'investissement, ses connaissances financières et son expérience en matière financière (9). S'agissant des conflits d'intérêt, le Code des assurances demande aux assureurs de les gérer et de les limiter (10). Cependant, si un conflit d'intérêt ne peut pas être limité de manière raisonnable et le(s) souscripteur(s) se trouve(nt) exposé(s) à un risque, l'assureur concerné doit impérativement l' (les) en informer (11). Nul doute que ces dispositions peuvent être la source de contentieux abondants qui existent d'ailleurs de façon individuelle sur le plan national et pourraient être transposés aux « class actions assurances ». Parmi les outils proposés par l'Union européenne, deux d'entre eux attirent tout particulièrement l'attention.

Intérêt à agir au sein de l'UE

L'accord entre le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne favorise les actions transfrontalières initiées par des « entités qualifiées » (12) qui doivent obligatoirement représenter les consommateurs/assurés mais qui sont soumises à des conditions strictes liées à leur statut d'association à but non lucratif et disposant d'une réelle compétence dans le domaine concerné (13).

Ibid. article 5(2)(a) Ibid. article 4(3)

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