Grâce à la loi Badinter, la notion de conducteur a fait une entrée triomphale dans le droit routier, comme en témoigne la première partie de ce dossier publiée le 11 mars 2025. Cependant, la jurisprudence s’est rapidement chargée de déstabiliser ce fragile édifice. Le juge et le législateur parviendront-ils à faire du conducteur un « non-conducteur comme les autres » ?
La première partie de cet article-bilan de la loi Badinter (Loi Badinter : 40 ans et toujours au top) reprenait l’historique du droit de la responsabilité pour expliquer les raisons qui ont poussé le législateur de 1985 à envisager des dispositions spécifiques aux conducteurs. Depuis, un tel travail a cependant été déstabilisé, à grand renfort de jurisprudence subtile.
Les accidents complexes : l’assureur partage les frais
La première décision rendue par la Cour de cassation en matière d’accident complexe date de 1998 (Cass. 2e civ., 24 juin 1998, n° 96-20.575, publié au Bulletin). Elle a trait aux faits suivants : un véhicule tombe en panne sur une route nationale à quatre voies, en agglomération, de nuit, à un endroit où l’éclairage public ne fonctionne pas. Des fonctionnaires de police sollicitent l’intervention d’un dépanneur. Alors que ce dernier (A) immobilise son véhicule en travers de la chaussée, une voiture conduite par (Y) le heurte. Quand (A) sort de son véhicule pour constater les dégâts matériels, il est percuté par une autre voiture conduite par (X). La dépanneuse est alors heurtée, à l’arrière, par le véhicule de (Z).
La cour d’appel condamne (X), (Y) et (Z), sous la garantie de leurs assureurs respectifs, à indemniser les dommages corporels subis par (A). (Z) conteste devant la Cour de cassation son obligation de participer à l’indemnisation des dommages corporels de (A) dans la mesure où il est établi qu’il n’a que légèrement heurté l’arrière du camion de dépannage. Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation...