Un agent général d’assurance doit-il se méfier par principe quand il reçoit un représentant de l’assuré qui veut souscrire une police en son nom, même si ce représentant est son « interlocuteur habituel » ? C’est à une réponse négative qu’invite l’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 10 novembre 2021 (n°19-25.881) dans un dossier où la fille d'une assurée âgée de 102 ans avait signé le contrat d’assurance en lieu et place de sa mère.
Dans cet arrêt, nous retrouvons le classique débat sur l’existence du mandat apparent, consacré par la réforme du droit des obligations, suivant ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, à l’article 1156 du Code civil, qui dispose que « l'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté ». Mais dans quelle mesure cet agent général aurait-il dû s’inquiéter lors de la souscription ?
Les faits
Les faits de l’espèce sont originaux, la question de la responsabilité de l’agent général ne surgissant que pour dépasser le cadre et les limites contractuelles de la garantie d’assurance. En l’espèce, le 6 avril 2007, une dame Z a conclu une police habitation auprès d'Axa, représentée par son agent général. En fait, il s’avèrera que l’assurée, âgée de 102 ans, avait confié à sa fille le soin de souscrire cette police, fille qui signera la police en P/O auprès de l’agent général. Surviendront alors deux incendies, déclarés à l’assureur, également gérés par la fille. L’assurée décèdera et l’immeuble sera vendu par les héritiers à une dame T, laquelle, subrogée dans les droits et actions des vendeurs contre l’assureur, se verra opposer des limitations contractuelles de garantie par l’assureur, qui faisaient que sa demande – d’environ 87 000 € – se heurtait à des plafonds limitant cette indemnisation à moins de 30 000 €.