La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 17 décembre 2021 (n°2021-957) sur une question prioritaire de constitutionalité (QPC), transmise par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 7 octobre 2021 (n°21-13.251), peut s’analyser aussi bien sous un angle de politique judicaire que sous un angle strictement juridique.
On ne peut en effet comprendre la raison de cette QPC, et de son rejet, si on ne connaît pas l’aversion profonde de la Cour de cassation pour la prescription biennale du Code des assurances, au point que la jurisprudence rendue sur ce texte a été un long chemin de croix pour les rédacteurs de polices des compagnies depuis déjà deux décennies.
Politique judiciaire, tout d’abord, car tout part d’une analyse propre à la Cour de cassation de l’article L.114-1 du Code des assurances, dont la durée serait trop brève et qui devrait être alignée sur une durée quinquennale (article 2224 du Code civil), idée encore rappelée dans le rapport annuel de la juridiction suprême en 2020 dans la partie relative aux propositions de réforme en matière civile (rapport page 38) : « Cet allongement améliorerait la protection des assurés qui, aujourd’hui, se laissent surprendre par le délai, notamment parce qu’ils ne mesurent pas que les pourparlers avec l’assureur ne suspendent pas la prescription. »
La Cour de cassation est dans son rôle en formulant cette proposition, mais rappelons simplement que c’est la douzième fois qu’elle se prononce en ce sens (la dernière fois dans le rapport annuel 2012), ce qui montre l’attachement fort de la juridiction suprême à cette évolution législative. Entretemps, la plus haute juridiction n’est pas restée sans réagir face aux contraintes du texte légal, au point de mettre en place une véritable « jurisprudence de provocation », selon le mot du professeur Pellissier dans le but d’amener le législateur à modifier la loi.