L’arrêt de la 1 chambre civile de la Cour de cassation du 11 décembre 2019 (n° 18-13.840) consacre une évolution du droit des victimes d’accidents survenus lors d'un transport par la SNCF. Et d’entrée de jeu, on peut affirmer que cette évolution n’est pas vraiment en faveur des victimes.
docteur en droit, Avocat à la Cour, Trillat & associés
Le 3 juillet 2013, Mme X…, munie d’un titre de transport, circulait sur la ligne ferroviaire Nice-Cagnes-sur-Mer dans un compartiment bondé. Suite à la fermeture automatique d’une porte, Mme X…est victime de l’écrasement de son pouce gauche.
Un an plus tard, elle assigne la SNCF aux fins de la voir déclarée entièrement responsable de son préjudice et condamnée à lui payer une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.
Devant les tribunaux du fond (arrêt de la cour d’appel d’Aix du 21 décembre 2017), la SNCF est déclarée entièrement responsable des conséquences corporelles de l’accident dont Mme X… a été victime.
La SNCF inscrit un pourvoi, devant la Cour de cassation, contre l’arrêt de la cour d’Aix. Par décision du 11 décembre 2019, la Cour de cassation casse l’arrêt d’Aix.
Le raisonnement de la Cour de cassation
La cour d’appel d’Aix, pour condamner la SNCF, avait fait une application classique du droit à travers l’article 1231-1 du Code civil (ex-article 1147 de ce même code) qui précise : « Lorsque les deux parties sont liées par un contrat, chaque partie s’oblige à respecter ses engagements. En cas d’inexécution de ses obligations, le contractant, sous certaines conditions, peut être sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts au bénéfice de son co-contractant. »
Ce faisant, la cour d’appel d’Aix appliquait la jurisprudence classique de la Cour de cassation sur la responsabilité du transporteur ferroviaire, notamment un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 28 novembre 2008 n° 06-12.307 : cet arrêt était très clair. En effet, la plus haute juridiction précisait à l’époque que « selon une jurisprudence constante (…), le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d’une obligation de sécurité de résultat, ne peut s’exonérer de sa responsabilité contractuelle en invoquant la faute d’imprudence de la victime que si cette faute, quelle qu’en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure. »
Telle était, en 2008, la jurisprudence bien ancrée et très favorable aux victimes.
Mais, le droit européen est venu bouleverser ce raisonnement. En effet, de nouvelles dispositions européennes entrées en...