Il n’est pas rare que les travaux de construction provoquent des dommages aux existants. Le régime de responsabilité des intervenants varie alors en fonction du moment de la survenance de tels dommages. Le régime de la responsabilité relatif aux désordres survenus après la réception a fait l’objet d’une jurisprudence récente. En revanche, les sinistres se manifestant avant la réception sont régis en matière administrative par la jurisprudence constante du Conseil d’Etat, et en matière judiciaire par les dispositions des articles 1788 et 1789 relevant de la théorie de transfert des risques. Pour répondre à ces questions et dresser à cette occasion un répertoire global, sans prétention à l’exhaustivité, nous distinguerons les dommages survenus avant la réception des travaux (partie I ci-dessous) et ceux survenus après ().
avocate aux barreaux de Paris et de Saint-Pétersbourg (Russie), associée fondatrice de l’AARPI Leca & Belovetskaya
I - Dommages aux existants survenus avant la réception des travaux
Dans l’hypothèse des dommages aux existants survenus avant la réception des travaux :
- les juridictions judiciaires appliquent le principe res perit debitori fondé sur la théorie de transfert des risques incarnée par le Code civil relativement aux contrats de louage d’ouvrage dans les articles 1788 et 1789 (A),
- les juridictions administratives appliquent quant à elles la théorie de la garde issue de l’application des dispositions de l’ancien article 1384 devenu 1242 du Code civil (B).
Ces deux approches, malgré leurs apparentes similitudes, présentent un certain nombre de particularités que nous allons aborder :
A - Application des dispositions des articles 1788 et 1789 du Code civil
1) Les travaux de construction avec la fourniture de la matière
L’article 1788 du Code civil dispose que : « Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose. »
Cette disposition établit donc un régime de responsabilité du locateur d’ouvrage ne nécessitant pas la démonstration de sa faute et basé uniquement sur la théorie de transfert des risques. En vertu de cet article, il est jugé de manière constante que la garde du chantier ayant été transférée aux entreprises et le sinistre étant survenu avant la réception des travaux, celles-ci doivent supporter le coût des réfections.
Tel est notamment le sens de l’arrêt rendu le 17 décembre 2017 (1) par la 3e chambre civile de la Cour de cassation. Il ressort par ailleurs des termes de cette décision que le cas échéant le locateur d’ouvrage n’est tenu que dans la limite de la chose qu’il s’est engagé à fournir.
Autrement dit, en vertu de ce texte, sa responsabilité est automatique, mais limitée au coût de son ouvrage.
Tel est également le sens de l’ancien arrêt rendu le 12 octobre 1971 (2) par la 3e chambre civile de la Cour de cassation, dans laquelle cette dernière a écarté l’application de l’article 1788 au motif que la chose détruite par l’incendie n’était pas celle qu’avait fourni l’entrepreneur, en ces termes :