Un salarié, envoyé en déplacement professionnel par son employeur afin d’accomplir une mission, meurt d’une crise cardiaque lors d’un rapport sexuel dans la chambre d’une prostituée. La question posée à la cour d’appel de Paris était simple : le salarié est-il mort « en mission », auquel cas il s’agit d’un accident du travail entraînant le versement d’indemnités importantes pour ses ayants droit, ou est-il mort lors d’un acte sans relation avec sa vie professionnelle, auquel cas les ayants droit ne peuvent bénéficier d’indemnités importantes ?
docteur en droit, Avocat à la Cour, Trillat & associés
Les plus anciens se souviendront que le mot épectase est sorti des limbes du dictionnaire un soir de mai 1974 lorsque le cardinal Daniélou, prélat très médiatique et membre de l’Académie française, rendit son dernier souffle dans les bras de Mimi, prostituée de 24 ans, de la rue Dulong à Paris.
L’épectase, dans son sens premier, est la tension de l’âme vers la sainteté ; la presse de l’époque évoqua l’affaire Daniélou sous le titre « l’épectase de l’apôtre » ou « l’amour à mort » !
Plus près de nous, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 mai 2019 (n° 16-08787) concerne la situation d’un salarié envoyé en déplacement professionnel par son employeur afin d’accomplir une mission, et qui meurt d’une crise cardiaque lors d’un rapport sexuel dans la chambre d’une prostituée. La cour d’appel de Paris devait juger si cet accident rentrait dans le champ de l’accident de travail.
L’arrêt de la cour d’appel de Paris
La cour d’appel de Paris confirme la décision de première instance et retient la qualification d’accident de mission : il s’agit donc d’un accident du travail.
Pour la cour :
Ainsi la cour décide :
Les conditions de l’accident en mission : si elles sont définies par la loi, la jurisprudence les interprète de manière très extensive…
A. Les conditions définies par la loi : le but de la loi est de protéger les salariés envoyés en mission afin d’accomplir un travail défini par leurs employeurs.
L’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale précise qu'« est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée, ou travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».
B. La jurisprudence :
De l’interprétation de l’article L.411-1 ci-dessus, la Cour de cassation créa une « présomption d’imputabilité » au travail au bénéfice des salariés envoyés à l’extérieur de leur entreprise pour y effectuer un travail au profit de leur employeur. Ainsi, tout accident survenu à un salarié en mission à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante est un accident du travail, sauf la possibilité pour l’employeur de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu...