Alors que la stratégie européenne Retail Investment Strategy for Europe (RIS) envisage d'interdire la rémunération des intermédiaires sous forme de commissions, la proposition de loi portée par les sénateurs Husson et De Montgolfier ouvre la voie à la transférabilité inter-entreprise des contrats vie. Bercy entend profiter de ces débats pour remettre sur la table le sujet de la transparence et de la qualité du conseil.
Commissaire européenne aux services financiers, Mairead McGuinness a lancé un pavé dans la mare en agitant le chiffon rouge d’une interdiction des rémunérations sous forme de commissions pour les intermédiaires en produits financiers au profit des seuls honoraires acquittés par l’épargnant. Une position qui a suscité une levée de boucliers de la part des assureurs, représentés par France assureurs et Insurance Europ, mais également des autorités allemandes, qui par le biais du ministre des Finances, Christian Lindner, ont estimé qu’une telle mesure porterait un « coup pour le marché de capitaux de l’Union européenne, et limiterait le choix des épargnants ».
Du côté des autorités françaises, le message est plus nuancé. Si Bercy se prononce officiellement contre l’interdiction du commissionnement, le ministère rappelle qu’il attend des propositions de la profession en matière de transparence et de conseil. Sollicité par La Tribune de l’assurance, Bercy estime que « la stratégie Retail de la Commission européenne représente à la fois un défi et une opportunité pour le marché de la distribution d’assurance. L’objectif doit être de permettre à chaque assuré et épargnant de bénéficier d’une offre aussi adaptée et rémunératrice que possible. Il nous semble toujours que la généralisation des honoraires n’est pas souhaitable, au risque sinon de créer par la réglementation un manque de conseil auprès d’une large catégorie d’assurés et épargnants alors même qu’il y a un important besoin. Mais il y a de l’espace pour améliorer la qualité de l’impact de ce conseil en faveur de la rémunération au final des assurés et épargnants, et il importe que le marché français soit force de proposition en la matière ».
Le Sénat s’invite au débat
Des objectifs d’amélioration du devoir de conseil et de compétitivité des produits qui sont repris en partie par la proposition de loi « tendant à renforcer la protection des épargnants », présentée par les sénateurs Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, et examinée ces jours-ci par la Commission des finances du Sénat.
Son article 3 propose ainsi de rendre obligatoire pour les distributeurs d’assurance vie et de plans d’épargne-retraite la présentation systématique des produits indiciels cotés à bas coût pour l’épargnant (les fameux ETF). Cette plus grande transparence vise à favoriser la distribution de ces produits et la baisse des frais supportés par les épargnants.
Cassus belli
Parmi les autres pistes envisagées par la proposition de loi, qui doit être examinée en séance publique au Sénat le 31 janvier, l’article 7 vise à garantir une transférabilité interne et externe des contrats d’assurance vie. Une possibilité qui tend « à garantir une réelle concurrence sur ce segment du marché de l’épargne et à permettre aux épargnants d’opter pour des contrats plus performants et moins chargés en frais », selon les deux sénateurs, unanimement rejetée par les assureurs. En accélérant la rotation des portefeuilles, cette mesure « diminuerait la durée des placements des assureurs et conduirait mécaniquement à réduire les rendements servis – et la bonne marche du financement de l’économie par la profession », a notamment déclaré Florence Lustman, présidente de France assureurs devant la presse. Un amendement voté mercredi 25 janvier en Commission des Finances propose néanmoins de reporter l'application du dispositif lié à la transférabilité au 1er janvier 2025. Le même amendement prévoit également de permettre à l'assureur de proposer des possibilités de rachat interne, en cas de demande de transfert externe.