Marché

Captives : la Place de Paris en quête d’équilibre

Publié le 17 octobre 2025 à 12h00

Louis Guarino    Temps de lecture 6 minutes

Plus de deux ans après le décret qui a donné le top départ des captives à la française, une vingtaine d’entre elles est établie sur le territoire sous l’œil vigilant de l'ACPR. La Fédération française des captives d’entreprises (FFCE), lors de son Forum France Captive organisé le 16 octobre à Paris, estime que des améliorations sont encore possibles pour attirer des entreprises de taille intermédiaires (ETI). Un rapport d’évaluation de l’efficacité et du coût du dispositif va être transmis à la Commission des finances de l’Assemblée nationale.

En dépit de l’incertitude politique, l’intérêt des entreprises pour les captives – outil stratégique pour la gestion et le financement des risques d’entreprise – reste vif en 2025 même si le marché s’est quelque peu assouplit. Il suffit de se pencher sur les conclusions du Forum France Captive organisé le 16 octobre par la Fédération française des captives d’entreprises (FFCE) sous l’égide de sa présidente Brigitte Bouquot pour s’en convaincre. Depuis l’entrée en vigueur du décret du 7 juin 2023, lequel entérine le dispositif des captives à la française, un écosystème a pris ses marques. « On dénombre 23 captives à ce jour, dont trois agréments octroyés par l’ACPR depuis le 1er janvier [NDLR : Agrial, Bel, Alstom]. Une dizaine de dossiers d’agrément est en cours de préparation ; nous devrions atteindre une trentaine de captives dans les prochains mois », explique Julie de Saint-Léger, directrice générale chez 2RS France (filiale de Diot-Siaci). Cela veut dire que la Place de Paris s’est structurée et qu’elle fédère des gestionnaires de captives, des cabinets d’audit et d’expertise comptable pour accompagner les entreprises dans le financement et la gestion des risques. »

Business plan

Bel Re, la captive du groupe Bel dont l’agrément a été octroyé par le régulateur en avril 2025, illustre le cas d’un groupe familial spécialisé dans les produits laitiers (3,7 Md€ de chiffre d’affaires) qui a nourri sa réflexion stratégique en 2023 alors que le dispositif à la française venait de se constituer. « Dans le secteur agroalimentaire, nous avons un marché limité », soutient Alain Le Bihan, directeur des assurances du groupe. Après une étude technique de faisabilité, le domicile France s’est imposé aux dirigeants de l’entreprise pour rester proche de leur centre de décision et de gouvernance. Les échanges assidus pour répondre aux questions du régulateur ont duré de six mois. « C’est une vague de questions-réponses qui nous a conduit à travailler le modèle actuariel et la gouvernance », note le responsable. Résultat : entre l’étude de faisabilité et l’obtention de l’agrément en avril, il a fallu attendre deux ans. Est-ce à dire que l’ACPR ralentirait la dynamique ? L’ACPR est exigeante parce qu’elle doit veiller à la solidité du business plan, à la bonne analyse des risques et à l’engagement de la gouvernance. Le régulateur a publié un guide d’information en novembre 2024 pour aller dans le sens d’une meilleure préparation des entreprises. Et la gouvernance est une préoccupation pour la FFCE, laquelle s’apprête à publier un guide en décembre. « La gouvernance doit être portée par des dirigeants responsables, formés et motivés. Elle ne doit pas être portée par les risk managers, insiste Clarisse Billot, directrice des risques assurance et contentieux (groupe Avril). D’où la nécessité d’avoir des dirigeants effectifs qui ne peuvent pas sous-traiter leurs missions à des tiers : il y a une vigilance sur le cumul des fonctions car le risque de conflit d’intérêts existe. » La crédibilité de la Place de Paris et de son cadre réglementaire dépend, pour l’heure, du rapport d’évaluation du dispositif et notamment de la provision pour résilience. C’est une procédure normale d’évaluation de l’efficacité et du coût du dispositif deux ans après le décret de 2023. La FFCE a participé à la préparation du rapport durant l’été. Le document devait être initialement remis en septembre par le gouvernement au président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, après avoir fait la navette entre la Direction générale du Trésor (DGT) et l’ACPR. Mais l’incertitude politique a retardé les choses.

Provision pour résilience

« La réforme de 2023 a porté ses fruits, avec une multiplication par quatre du nombre de captives, se félicite Philippe Guyonnet-Dupérat, sous-directeur des assurances à la DGT. D’après nos remontées d’information, la création d’une captive en France est une première fois dans la plupart des cas. Ce ne sont pas des entreprises qui rapatrient leurs captives en France pour des raisons fiscales. » Depuis 2023, l’échantillon examiné par la DGT révèle que 200 M€ de primes sont réassurées et que le montant des provisions pour résilience s’élève à 4 M€. « Ce petit niveau démontre que les risques sont bien calculés. La provision pour résilience joue son rôle », reconnaît Philippe Guyonnet-Dupérat. Pour l’heure, la situation reste compliquée pour les rapatriements de captives depuis le Luxembourg vers la France. C’est la raison pour laquelle les regards se tournent vers les entreprises de taille intermédiaire (ETI) susceptibles de dynamiser le marché. La révision de Solvabilité II, actuellement en cours de transposition, pourrait être une piste pour mieux proportionner les captives au risque couvert. Les captives sont pertinentes en dommages et responsabilité civile notamment pour le rachat de franchises et les couvertures en excédent de sinistres. « Nous gérons 14 cessions pour des captives domiciliées en France et 89 cessions pour des captives domiciliés au Luxembourg », expose Marine Charbonnier, Head of underwriting, captives & facultatives chez l’assureur fronteur Axa XL. « En matière de risque cyber, la captive est un outil essentiel pour challenger les assureurs et les forcer à innover », analyse de son côté Sébastien Piguet, Chief Insurance Officer chez Descartes Underwriting. « Nous avons une doctrine à l’ACPR : une captive c’est une compagnie d’assurance à part entière », conclut Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR. Dont acte.

Légende photo table ronde, de gauche à droite : Olivier Wild (Veolia), Julie de Saint-Léger (2RS), Alain Le Bihan (groupe Bel), Sylvain Guiheneuf (Safran), crédit photos Charles de Toirac.

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