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Vol au Louvre : l’État assume le risque… et cumule les défaillances

Publié le 21 octobre 2025 à 12h59

Louis Guarino    Temps de lecture 5 minutes

La stupéfaction qui entoure le vol en plein jour de huit pièces d’une valeur inestimable le 19 octobre au musée du Louvre ne doit pas occulter une règle cardinale. L’État assume le risque des collections nationales dont il est le propriétaire en cas de sinistres. Il n’existe pas d’assurance commerciale pour des d’œuvres d’art imprescriptibles et inaliénables.

C’est un cambriolage digne d’Arsène Lupin ou de Ocean’s Eleven qui a eu lieu en plein jour dimanche 19 octobre, trente minutes après l’ouverture du plus grand musée du monde, Le Louvre. Il n’aura fallu que sept minutes à quatre malfaiteurs pour s’introduire dans l’institution muséale à l’aide d’un monte-charge et en ressortir avec des joyaux historiques exposés dans la galerie d’Apollon. Huit pièces d’une valeur inestimable, parmi lesquelles le collier et une boucle d’oreille de la parure de saphirs de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense, et le diadème de l’impératrice Eugénie. La couronne de diamants et d’émeraudes de la même souveraine, épouse de Napoléon III, a été retrouvée endommagée un peu plus tard aux abords du bâtiment, probablement égarée par les voleurs dans leur fuite. Quarante-huit heures après ce braquage, la sidération est toujours palpable tandis que d’innombrables questions demeurent sans réponses concernant les conditions de sécurité de cette institution au rayonnement mondial dont Laurence des Cars (en photo) est la présidente-directrice. Le Louvre reste fermé au public au moins jusqu’à mercredi matin. Une soixante d’enquêteurs est mobilisée (Brigade de répression du banditisme-BRB, police scientifique et technique, Office central de lutte contre le trafic des biens culturels-OCBC) pour faire toute la lumière sur ce cambriolage qui a des retombées politiques énormes. L’enquête judiciaire ouverte par la procureure de Paris, Laure Beccuau, cible la cavale des malfrats.

Risque assumé par l’État

Au-delà du risque grandissant de ne pas retrouver les œuvres d’art dérobées par des petites mains vraisemblablement au service d’un cerveau commanditaire (trois pistes sont évoquées selon nos sources : la criminalité organisée, un collectionneur patenté, des ingérences étrangères), pourquoi les collections des musées publics ne sont-elles généralement pas assurées ? « Le musée du Louvre fait partie des 61 musées nationaux en France et il abrite des collections nationales régies par le Code du patrimoine, explique Irène Barnouin, directrice commerciale et technique art & clientèle privée chez WTW en France. Elles sont inaliénables et imprescriptibles et appartiennent à l’État. L’État est son propre assureur et il n’existe pas d’assurances privées souscrites pour ces collections nationales. » Dit autrement, les musées publics jouent un rôle essentiel dans la préservation du patrimoine culturel national et, dans la plupart des cas, ne sont pas couverts par une assurance commerciale. En revanche, l’État assume le risque en cas de sinistres. « Trois raisons principales expliquent pourquoi ces collections ne sont généralement pas couvertes par une assurance commerciale, décrypte Caroline de Combarieu, directrice d’Arte Generali France. Les difficultés d’évaluation d’une part. De nombreuses œuvres d’art des collections publiques constituent le patrimoine culturel français et sont inaliénables. Leur inaliénabilité implique leur valeur inestimable. Attribuer une valeur monétaire à des pièces comme la Joconde est extrêmement difficile et souvent irréaliste. D’autre part, l’objectif principal des musées est la préservation, non la vente. En cas de dommage, l’accent est mis sur la restauration plutôt que sur une compensation financière. Enfin, assurer des collections vastes nécessiterait des ressources financières considérables. Étant donné que les budgets culturels sont souvent limités, il n’est pas toujours possible de financer une assurance complète. » C’est la raison pour laquelle la prévention est (et doit être) un levier clé et incontournable pour les musées.

« Une stratégie de sécurité complète, combinant technologie, dispositifs physiques et expertise humaine, permet de limiter les risques en amont, insiste Caroline de Combarieu. Les musées peuvent s’appuyer sur des modèles d’analyse des risques et sur des ingénieurs prévention pour adapter leurs dispositifs de protection, renforcer la formation du personnel et mettre en place des audits réguliers. » Une approche d’autant plus essentielle que l’indemnisation financière est souvent impossible. « Les gardiens sont obligés de s’occuper du public plutôt que des œuvres d’art. Ils ne sont pas armés, remarque de son côté Alain Bauer, professeur émérite de criminologie au Cnam. Il y a un sujet général d’inconscience de la part de ceux qui ont géré le Louvre depuis 2010. Le vol a eu lieu dans la galerie d’Apollon considéré comme le Louvre du Louvre, c’est fou. Sans compter que le personnel syndical du musée alerte sur les quinze ans de retard sur la sécurité incendie et les dix ans de retard sur la sûreté. » En janvier, la présidente-directrice du Louvre, Laurence des Cars, avait pourtant indiqué à sa ministre de tutelle, Rachida Dati, que le musée présentait un « niveau d’obsolescence inquiétant », une « multiplication d’avaries », d’où la nécessité de réaliser de grands travaux. Peine perdue. Seule certitude, elle devra s’expliquer devant la commission de la culture du Sénat présidée par le sénateur centriste Laurent Lafon, mercredi 22 octobre après-midi, afin de faire toute la lumière sur la kyrielle de défaillances constatées !

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