Le régime de la responsabilité décennale serait-il, aux yeux de la Cour de cassation, une citadelle imprenable, et son ordre public à jamais inattaquable, en dépit de la volonté contractuelle contraire des parties ? C’est ce que laisse penser un arrêt récent de la Cour de cassation qui est destiné à une très large publication, et porte de nombreux stigmates d’un arrêt de principe.
Antoine Skrynski, avocat à la cour, CHOISEZ & ASSOCIES
L’arrêt n° 18-22.983 du 19 mars 2020 est en effet noté P + B + I – c’est-à-dire publié au Bulletin, au Bulletin d’information et sur le site internet de la Cour de cassation (ne manquait plus que R pour qu’il figure au rapport annuel) – tandis qu’il est rédigé au visa de l’article 1792-5 du Code civil, dont le texte est rappelé in extenso, le moyen de cassation retenu par la Cour de cassation étant de surcroit relevé d’office…
Et pour être encore plus claire, la Juridiction suprême casse l’arrêt pour violation de la loi, ce qui dans l’échelle des moyens de cassation marque un rappel à l’ordre tant aux conseillers de la cour d’Amiens qu’à ceux appelés à connaître du renvoi après cassation.
Comment une telle situation a-t-elle pu advenir ?
Pour bien comprendre les enjeux du débat, rappelons que l’article 1792-5 du Code civil dispose que « toute clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d'exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d'en limiter la portée, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à l'article 1792-4, est réputée non écrite ».
De même, nous ne parlerons pas ici d’une clause d’exclusion d’une police d’assurance mais bien d’une clause de renonciation à recours, inscrite dans un acte de vente notarié. Les circonstances du sinistre sont classiques, mais le contenu de l’acte notarié plus original. Deux particuliers, les époux S décident de vendre leur maison d’habitation aux époux E.
Il est décidé...