Baromètre

Le client au cœur des transformations de l’assurance

Publié le 14 mai 2025 à 16h16

Louis-Christian de Baudus    Temps de lecture 10 minutes

La toute première édition du baromètre de la transformation du secteur de l’assurance, proposé par La Tribune de l’assurance en association avec Roam, montre que la conduite du changement est principalement tracée sur un chemin commun : celui du client. Gestion des risques, RSE, RH, digitalisation et data, chacun des domaines observés par l’étude embarque des leviers pour faire converger les stratégies autour de cet objectif principal, même si le secteur doit composer avec une montée des risques de plus en plus complexe et propice aux ruptures.

C’était le 13 mai dernier à l’Automobile Club de France. La Tribune de l’assurance présentait les résultats de son premier baromètre de la transformation du secteur de l’assurance réalisé en partenariat avec Roam, devant un parterre de professionnels venus prendre le pouls des grandes mutations de l’industrie. L’épilogue d’un processus qualitatif et quantitatif mené en deux temps. D’abord, cinq comités d’experts réunissant des professionnels de l’écosystème de l’assurance ont été organisés pour passer les thèmes de la gestion, des risques, la RSE, les RH, la digitalisation et la data au peigne fin. Dans un deuxième temps, élaborée à partir des enseignements tirés des comités, une enquête quantitative a été administrée à un échantillon de professionnels de l’assurance pour obtenir cette une vision à 360° du fonctionnement et des stratégies des entreprises d’assurances. Un menu copieux, mais riche d’enseignements.

Gestion des risques : ruptures attendues

Sans surprise, le climat et le cyber sont au cœur des préoccupations des assureurs. Devant la hausse inexorable de la facture climatique du fait du réchauffement climatique, les discussions sur le partage du risque s’animent, notamment avec le retrait des réassureurs qui ont massivement revu leur exposition au risque climatique et durci leurs conditions de souscription depuis 2023. Une tendance qui expose le bilan des assureurs à davantage de volatilité pour un transfert qui, en bout de chaîne, se répercute dans les prix des contrats d’assurance des particuliers. Anticipé en rupture par les professionnels de l’assurance, le partage des risques s’organise également avec les pouvoirs publics dans le cadre de la pérennisation et du financement du régime Cat Nat géré par CCR. Un exemple réussi de partenariat public-privé au service de la mutualisation des risques qui donne des idées pour traiter le problème des risques systémiques. Au milieu de ces réflexions, la prévention apparaît comme le modèle vertueux recherché par les assureurs pour lutter contre la montée des risques. Autant d’évolutions qui s’inscrivent dans le contexte d’une réglementation européenne en mouvement perpétuel. Les textes votés, en discussion ou en projet, sont une source d’inquiétude constante pour le secteur qui redoute principalement le risque de surtransposition de la réglementation européenne par le régulateur et le superviseur français. Enfin, si l’assurance constate que l’application des directives pousse à la standardisation des organisations et l’uniformisation du comportement des assureurs, la réglementation européenne peut s’observer – de manière assez partagée dans les avis – autant comme une opportunité qu’un frein à la transformation du secteur.

RSE : la performance sociale au service de la performance économique

Le temps où la RSE pouvait apparaître comme un outil de communication gadget est clairement révolu. La responsabilité sociétale des entreprises s’est imposée et structurée depuis plusieurs années avec la publication par les acteurs de la Place de rapports extra-financiers complets, alors que la réglementation impose aux entreprises des obligations de transparence sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance. Appelée à infuser dans toutes les couches des entreprises, la RSE est en prise au sommet des états-majors (direction ou présidence) ou fait l’objet d’une direction dédiée. Une évolution qui donne aux commandants de la RSE le rôle de chef d’orchestre au service de la transformation sociétale et environnementale de l’entreprise. Car la RSE touche toutes les strates des entreprises d’assurance, à commencer par des politiques d’investissements au soutien des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique et de transition énergétique. Un levier qui embarque naturellement l’offre produit et notamment les supports d’investissements proposés par les assureurs dans le cadre de l’assurance vie, alors que l’impact de la RSE converge également vers des objectifs finaux d’engagement des collaborateurs et de satisfaction client. En effet, en miroir des politiques RH, la RSE teinte également les actions de communication et d’image autour de la marque employeur avec l’ambition de toucher des clients de plus en plus attentifs aux impacts sociaux et sociétaux du monde de l’entreprise. Autant de résultats qui confirment ce rôle désormais pivot occupé par la RSE dans l’organisation et la stratégie des entreprises d’assurance.

RH : partage de la valeur et place aux jeunes

Le partage de la valeur et l’alternance pour attirer les jeunes. Ce sont les principaux sujets qui sont inscrits à l’agenda des politiques RH des entreprises d’assurance en 2025. Longtemps à la traîne en termes d’attractivité, le secteur de l’assurance veut clairement rattraper son retard et créer des vocations. Avec 157 100 salariés recensés au 31 décembre 2023, la profession avait enregistré un solde positif de 2 400 personnes dans ses effectifs. En l’espace de dix ans, ce sont plus 10 000 emplois qui ont été créés dans le secteur. Et pour aller encore plus loin et jouer un rôle actif dans la bataille des talents qui s’est engagée sur le marché du travail, l’assurance veut avant tout jouer la carte de la diversité de ses métiers et du rôle social qu’elle occupe dans la société. Alors, pour accompagner cette volonté, elle veut répondre au défi de la formation professionnelle par la création des parcours internes et de formation continue et par la mise à disposition de parcours certifiants. Une politique qui s’appuie sur la forte culture de formation professionnelle continue qui existe déjà dans la branche. À titre de comparaison interprofessionnelle, le taux national d’accès à la FPC s’était élevé à 43 % en 2021. Il faut ajouter que moins d’un tiers des formations mises en œuvre (31,3 %) dans l’assurance correspondent à des actions requises par la réglementation et 68,7 % à des formations non obligatoires. Une donnée à prendre en compte alors que l’inflation des formations réglementaires obligatoires est considérée comme l’un des grands enjeux liés à la formation dans l’assurance. Sans oublier l’alternance, qui reste pratique que l’assurance connaît bien. Pour la profession, le choix privilégié de cette modalité d’accès au métier se justifie en effet par la place croissante que prennent les compétences expérientielles face aux savoirs académiques. D’ailleurs, en 2023, la branche avait atteint une nouvelle valeur référence avec 4 850 étudiants-salariés recrutés

Digitalisation : le client, le client et… l’IA

S’il reste encore des progrès à accomplir, la transformation digitale du secteur de l’assurance peut regarder droit dans le rétroviseur du chemin parcouru. Le baromètre de La Tribune de l’assurance exprime un fort niveau de maturité digitale ressenti par les entreprises dans sa relation au client. Ce niveau de maturité dépasse ainsi les 70 % dans trois étapes du parcours client : la souscription, la gestion des contrats et la tarification. La prospection, la déclaration des sinistres et l’indemnisation restent un ton en dessous avec des taux plus partagés situés entre 54 et 59 %. Avec 78 % des répondants qui jugent le niveau de maturité de leur entreprise « avancé » et 23 % « très avancé », la souscription est l’axe fort de la digitalisation des entreprises d’assurance. Tout comme la gestion des contrats qui, portée par la mode du « self care », fait également état d’un taux de maturité avancée exprimé à 74 %. À l’intérieur des entreprises, la transformation digitale a principalement été ressentie par le secteur à l’intérieur des directions communication et marketing et des directions informatiques. Axe de transformation majeure, la digitalisation embarque également son lot de nouveaux risques. Le risque cyber évidemment (fuites de données, intrusions et blocages des opérations) mais aussi celui de la dépendance de l’entreprise à l’externalisation. En miroir, les opportunités offertes par la digitalisation sont nombreuses, mais c’est avant tout le renforcement de la relation client qui est dans le champ de vision des entreprises d’assurance. Un enjeu clé, notamment pour multiplier les moments de contacts avec les assurés mais aussi renforcer l’expérience pour une amélioration de la satisfaction et de la rétention. La digitalisation est enfin perçue comme l’opportunité de développer de nouveaux services, de réaliser des économies sur les processus et surtout de mieux utiliser la donnée. Une ouverture qui résonne avec le développement de l’intelligence artificielle, qui est un chantier au menu de tous les débats du secteur de l’assurance. L’étude montre ainsi que 64 % des entreprises d’assurance et de son écosystème considèrent l’IA comme un chantier prioritaire avec, pour l’heure, un focus principalement centré sur les parcours clients (43 %) et la lutte contre la fraude 38 %).

Data : des perspectives, mais encore beaucoup de freins opérationnels

Au même titre que l’intelligence artificielle, la data est un chantier de transformation majeur du secteur de l’assurance. Le baromètre de La Tribune de l’assurance montre cependant que de nombreux freins internes et externes sont toujours posés en travers du chemin des entreprises. C’est, d’abord et loin devant, la qualité des données qui est citée (46 %) comme principale entrave, devant la sécurité des données (36 %), la dette des systèmes d’information (34 %) et le coût des investissements (34 %). Juste en dessous viennent les freins liés à la réglementation (26 %), les compétences des collaborateurs sur les nouveaux outils (26 %), la fraîcheur et la disponibilité des données (24 %), l’organisation interne de l’entreprise (23 %) et la captation de la donnée client (23 %). Les différences de formats de données utilisés (20 %) et l’accessibilité des données (18 %) ferment la marche des principaux freins. Quant à l’usage de la donnée externe, c’est encore le client qui fait loi puisque le thème de la prospection commerciale (44 %) arrive loin devant la prévention (24 %), la tarification (20 %) et la souscription (19 %). L’étude observe également que les chantiers ouverts par le secteur sur la data répondent aujourd’hui principalement à un objectif d’excellence opérationnelle et de maîtrise des coûts (48 %), cette fois juste devant l’enjeu client (44 %). Un petit avantage, à ce jour, donné à la technique face au commercial. Juste derrière, ce sont les enjeux concurrentiels (39 %), de maîtrises et d’évaluation des risques (35 %) et réglementaires (31 %) qui se suivent tandis que l’IT et la technologie (19 %) sont nettement moins plébiscités.

Dans un moment charnière, où la montée des risques se confronte avec le déploiement de technologies potentiellement structurantes pour l’industrie, ce premier baromètre de la transformation du secteur de l’assurance pose les repères d’un exercice destiné à être répété chaque année pour mesurer la conduite du changement dans les entreprises d’assurance. Rendez-vous donc l’an prochain pour les premiers constats d’évolution.

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