La preuve du rôle actif d’une chose inerte dans la survenance d’un dommage suppose la caractérisation d’une anormalité de la chose à l’origine du dommage. Pour engager la responsabilité civile du gardien, il appartient à la victime de démontrer à la fois cette anormalité et le lien de causalité entre celle-ci et le dommage subi. Il suffit, en revanche, que la victime établisse que la chose a été, d’une manière ou d’une autre, même partiellement, l’instrument du dommage. C’est ce que rappelle la cour d’appel de Douai dans un arrêt du 24 avril 2025.
Le client d’un hypermarché (la société Cora) glisse sur un liquide répandu au sol alors qu’il tentait de saisir une bouteille de vin, se blessant au pouce droit lors de sa chute. Il assigne l’enseigne, la société Cora, ainsi que la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), devant le tribunal judiciaire de Béthune, en vue de l’indemnisation de ses préjudices. Par jugement du 6 février 2024, le tribunal judiciaire écarte toute faute de la victime de nature à exonérer totalement ou partiellement la société Cora, et déclare cette dernière entièrement responsable du préjudice subi.
La cour d’appel confirme ce jugement. Elle rappelle que conformément aux dispositions de l’article 1242, alinéa 1er, du Code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. »
Les juges précisent que la preuve du rôle actif d’une chose inerte requiert l’établissement d’une anormalité, pouvant résulter de son état ou de sa position. Cette anormalité doit être appréciée au jour de la réalisation du dommage. La victime doit donc prouver à la fois l’anormalité de la chose et son lien de causalité avec le dommage. Toutefois, il suffit qu’elle établisse que la chose a été, même partiellement, l’instrument du dommage.
Par ailleurs, l’appréciation du rôle actif de la chose doit tenir compte d’un éventuel comportement fautif de la victime, ce dernier pouvant justifier un partage de responsabilité. Le gardien peut également s’exonérer en prouvant l’existence d’une cause étrangère, présentant les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.