Parce qu’elles travaillent avec l’ensemble du tissu économique, les autorités politiques attendent des assureurs une contribution active à la transition vers une économie durable. Ceux-ci sont donc impactés par de nombreuses réglementations, françaises et européennes, propres à leur secteur ou plus globales. Leur capacité à gérer les différents calendriers et focales réglementaires revêt donc pour eux un enjeu de cohérence dans leurs actions, leur communication et, in fine, leur conformité.
Les réglementations en matière de durabilité ont connu au cours des dernières années une forte accélération. Elles ne sont pas toutes spécifiques aux assureurs, mais cet effet d’accumulation est source de complexité.
Une multitude de réglementations françaises et européennes…
Indépendamment des réglementations européennes, les assureurs français doivent déjà rendre des comptes en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) :
- le bilan social est un document obligatoire pour les entreprises françaises d’au moins 300 salariés qui rassemble de manière structurée les informations relatives à leur situation sociale ;
- « l’article 29 LEC » est une disposition de la loi Énergie Climat qui oblige les investisseurs français à publier annuellement un rapport sur leurs pratiques extra-financières, notamment l’intégration des risques climatiques, et sur la biodiversité, y compris la part « verte » et la part « brune » de leurs portefeuilles ;
- la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre oblige les grandes entreprises à élaborer, publier et appliquer des mesures d’identification des risques et de prévention des atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité de personnes, et à l’environnement ;
- la loi Sapin 2 veut renforcer la lutte contre la corruption, le trafic d’influence et à agir en faveur de la transparence dans le monde économique et la vie publique. Elle impose entre autres aux grandes entreprises de mettre en place un programme de conformité interne.
S’ajoutent à ces réglementations les exercices de stress test climatique organisés par les assureurs, sur les recommandations de l’ACPR. Le second couvrait la période 2022-2024. Au niveau européen, de nombreuses réglementations applicables aux assurances ont également été déployées, notamment pour définir un cadre complet et cohérent de finance durable :
- la directive (UE) 2016/97 du 20 janvier 2016, dite « distribution assurance », impose de formaliser les préférences d’un client ou d’un prospect en matière de durabilité dans ses choix d’investissements ;
- le règlement (UE) 2019/2088 du 27 novembre 2019, dit SFDR, impose la communication d’informations en matière de durabilité aux gestionnaires d’investissement ;
- la taxonomie environnementale introduit un système de classification des activités économiques dans le but d’orienter les investissements vers les projets « durables » ;
- la directive (UE) 2022/2464, dite CSRD, élargit les exigences en matière de communication pour les entreprises de l’UE et non-UE, pour plus de cohérence et de comparabilité dans les informations publiées en matière de durabilité.
… sources de défis et d’opportunités pour les assureurs
Si les assureurs français ont pu s’appuyer sur le cadre français préexistant pour répondre aux demandes venues de l’UE, les périmètres à prendre en compte, les méthodologies à appliquer, et la restitution des informations peuvent varier selon les réglementations. L’appropriation de l’ensemble de ce corpus de règles est donc un préalable à la définition d’un cadre cohérent de collecte, de traitement et d’analyse des données.
La transition Net Zéro implique de se fixer des objectifs de durabilité basés sur des critères étayés scientifiquement qui puissent s’intégrer dans les processus métiers de l’assureur. Plutôt qu’une approche par règlement, une approche holistique et un travail à différents niveaux (organisation, processus, outils métiers…) doivent permettre efficience opérationnelle, conformité et pilotage des initiatives ESG en adéquation avec les objectifs :
- l’intégration de la durabilité dans la gouvernance de l’entreprise permet la fixation d’objectifs soutenables et la définition de plans d’actions alignés et opérables ;
- la revue des processus de souscription et d’investissement est l’occasion de classer les produits d’assurance selon les critères réglementaires ESG ;
- la prise en compte de critères ESG dans chacune des activités métiers assure la cohérence des démarches en matière de durabilité, de la capacité à suivre les résultats atteints et l’ajustement des offres produits ;
- plus globalement, la formation des collaborateurs aux enjeux ESG et une gestion des talents alignée sur les valeurs de durabilité sont un levier d’ancrage dans la culture d’entreprise.
La logique seule de mise en conformité ne suffit pas,...