Le régulateur français ne pouvait pas rester plus longtemps indifférent au feu qui ravage le front de l'assurance construction en libre prestation de services (LPS) en France, domaine dans lequel les défaillances d'assureurs, domiciliés dans des pays où la régulation laisse parfois à désirer, risquent d'entraîner le défaut de paiement de nombreux sinistres en France. La question est néanmoins de savoir si, dans sa décision du 25 novembre 2019 (n° 2019-01), l'ACPR n’a pas été – au nom de l'exemplarité – trop sévère avec un assureur (Elite) qui a justifié sa bonne foi.
Avocat associé, cabinet CHOISEZ
Un bref retour en arrière s’impose sur la crise de l’assurance construction en LPS. L’estimation moyenne du nombre de contrats concernés par les cessations de distribution et faillites successives de Lemma (Gibraltar), Gable (Gibraltar puis Lichtenstein) Alpha Insurance (Danemark), CBL (Nouvelle-Zélande), Qudos (Danemark) mais encore de Elite Insurance (Gibraltar), s’élève aujourd’hui à près de 250 000 contrats (certaines évaluations évoquant même jusqu’à 500 000 contrats en non-garantie).
Quant à l’évaluation des sinistres non payés, elle a été estimée, pour les huit prochaines années, sur le marché de l’assurance construction à une somme approchant les 5 Md€ de sinistres non payés par les assureurs défaillants en LPS.
La décision de l’ACPR du 25 novembre 2019 est donc tout sauf une surprise, car il fallait envoyer un signal fort au marché en interdisant à l’assureur de commercialiser pendant deux ans des contrats en France (à noter que la mesure est surtout symbolique puisque Elite gère désormais ses contrats en run-off).
Dernier épisode en date, la Commission des services financiers de Gibraltar (GFSC), autorité nationale compétente pour la supervision d’Elite Insurance Compagny Ltd (Elite), a officiellement annoncé le 11 décembre dernier le placement sous administration judiciaire de l’assureur.
Absence de gestion satisfaisante des sinistres
Il est important de noter également qu’Elite a reconnu les faits – soit une absence de gestion satisfaisante des sinistres pendant cinq mois courant 2018 - et mettait en avant les efforts entrepris pour régulariser la situation.