Alors que le rapport 2022 de la Fédération des associations générales étudiantes sur le coût de la vie étudiante met les pleins phares sur l’augmentation des tarifs des mutuelles dites étudiantes, la LMDE et la Smerra s’en défendent et alertent plutôt sur les dérives constatées après la fin du régime de sécurité sociale étudiante.
Mi-août, la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) publiait son indicateur annuel du coût de la rentrée et de la vie étudiante. Parmi les points saillants, le rapport souligne l’augmentation de 32,21 % des frais de complémentaires santé par rapport à 2021. Cette annonce suscite des interrogations – « certes, les charges qui pèsent sur les mutuelles ont augmenté mais je suis très surpris par ce chiffre », commente Fabrice Grière, directeur général de la LMDE groupe Intériale – et se vérifie difficilement.
Les principales mutuelles comme Heyme n’ont pas augmenté leurs tarifs entre 2021 et 2022 et d’autres comme la LMDE et la Smerra gèlent leurs tarifs depuis plusieurs années. « C’est la quatrième année que n’augmentent pas les cotisations. Nous avons même enrichi nos contrats pour le même prix », défend Fabrice Grière.
Surtout, les raisons évoquées par la Fage – déploiement du 100 % santé, rattrapage des soins, taxe Covid et fin du régime de sécurité sociale étudiante (RSSE) – ne satisfont pas les principaux concernés. « On ne peut pas dire que les mutuelles étudiantes ont été touchées par le 100 % santé. Cette réforme n’a pas beaucoup d’impact sur les jeunes car les paniers de soins proposés ne correspondent pas à leur consommation », avance Lionel Lérissel, directeur général de la Smerra. Pour la mutuelle, 0,18 % des remboursements versés concernent l’audiologie, 6,5 % l’optique et 3,5 % le dentaire. « C’est minime. En revanche, ils consomment beaucoup en soins de ville : 61 %, et en hospitalisation, 21 % », poursuit le dirigeant. Avec une offre de départ à 4,90€ par mois, Smerra souhaite éviter que les étudiants renoncent aux soins et entend rester compétitive dans un marché mis à mal par la fin du régime de sécurité sociale étudiante depuis le 1er septembre 2019.
Remise à plat
L’activité principale des mutuelles étudiantes avant réforme était l’affiliation des étudiants au régime obligatoire de l’Assurance maladie. La fin de ce régime a certes permis un gain de pouvoir d’achat pour les étudiants qui n’ont plus eu à verser 217€ de cotisation annuelle – à nuancer puisqu’ils doivent désormais s’acquitter de 95€ de contribution de vie étudiante et de campus (CVEC).
Pour les mutuelles étudiantes en revanche, le point négatif a été l’arrêt complet de cette activité de gestion pour laquelle elles étaient rétribuées par l’Assurance maladie. Le groupe Uitsem par exemple, intégrant la Smerra et la Mutuelle de l’éducation Mage, fait part dans son dernier rapport SFCR d’un exercice 2021/2020 marqué par la fin du régime étudiant « dont les impacts financiers sont encore prégnants ». Avant la réforme, la Smerra comptait 280 000 affiliés à la Sécurité sociale étudiante (en 2018/2017) et 57 000 adhérents (contre 40 000 pour l’année universitaire 2022/2021). De fait, le chiffre d’affaires a lui aussi été impacté, passant de 17,3 M€ (remises de gestion + cotisations) en 2019/2018 à 3 M€ aujourd’hui (cotisations uniquement).
Pour continuer à exister, les mutuelles ont dû se restructurer, comme la LMDE en 2019 qui s’est adossée au groupe Intériale pour ensuite fusionner en 2021, la MGEL avec Harmonie Mutuelle et Vittavi dissoute dans Eovi MCD (aujourd’hui Aésio). Elles se sont également diversifiées en créant des offres pour les étudiants étrangers par exemple.
« Avec la fin du RSSE, nous avons dû fermer beaucoup d’agences mais nous continuons d’exister en ligne et également dans les établissements universitaires quand cela est possible et dans les lieux de vie des étudiants », poursuit le directeur général de la Smerra. En parallèle, la Smerra est devenue un des premiers opérateurs de logements étudiants en fédérant ses partenaires, Logifac (depuis 1985) et Fac-Habitat (depuis 2020).
-20 % du nombre de souscriptions
Textuellement, le régime de sécurité sociale étudiante rendait obligatoire l'affiliation des étudiants à la Sécurité sociale auprès de la LMDE, ou auprès de sa concurrente régionale (et favorisait la souscription à une complémentaire santé auprès de cette même mutuelle). Depuis la fin de ce régime en 2019, l’Union nationale des étudiants de France (Unef) enregistre une baisse du nombre de souscriptions de 20 % et les professionnels craignent des défauts d’assurance.
« Certains étudiants pensent à tort être bien couverts. Bien sûr, ce problème ne s’applique pas aux étudiants suffisamment couverts par la complémentaire de leurs parents, généralisée avec l’ANI en 2016. Bien que ces complémentaires soient d’abord conçues pour des adultes, donc avec des garanties particulières », indique le directeur général de la LMDE.
Si ces acteurs ne nient pas les problèmes passés de gestion interne ayant conduit à la fin de ce régime, ils regrettent l’absence de communication et de pédagogie à destination de ce jeune public. « J’avais assez tôt tiré la conclusion qu’avec les progrès des outils informatiques, la gestion et le paiement des prestations prises en charge par le régime étudiant de sécurité sociale pouvaient être centralisées dans les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). En revanche, les actions de terrain dédiées aux étudiants (information sur le système de santé français, éducation à la santé, lutte contre le renoncement aux soins, accueil des étudiants internationaux, prévention santé, …) auraient dû demeurer et permettre la conservation d’un maillage territorial – surtout dans les villes universitaires de petite et moyenne taille », conclut Lionel Lérissel à la Smerra.