En marge de la présentation de son rapport d’activité 2023* ce mardi 3 septembre 2024, rencontre avec le Médiateur de l’assurance Arnaud Chneiweiss qui revient dans cet entretien sur les faits marquants de la médiation sectorielle, notamment l’augmentation des saisines et leur recevabilité, et leurs répercussions sur les délais de traitement. Il présente aussi ses principales recommandations pour accélérer et améliorer le service rendu par LMA.
Comment expliquez-vous la hausse des saisines de LMA ?
En 2023, le nombre de dossiers à traiter a augmenté de 70 %. La tendance se poursuit en 2024 avec une hausse de 65 % au premier semestre. Il y a sans doute plusieurs facteurs qui expliquent cette hausse. Commençons par la défiance croissante envers les institutions, y compris les assureurs, poussant les assurés à demander une vérification par un tiers de confiance, ce qu’est La Médiation. De plus, les assurés disposent d’une meilleure connaissance de leurs droits et en parallèle ces derniers se renforcent, notamment à travers la recommandation 2024-R-02 du 2 juillet de l’ACPR sur le traitement des réclamations. Celle-ci impose aux assureurs d’informer les assurés des modalités de réclamation et de formuler une réponse dans un délai maximum de deux mois. Et nous saisir est gratuit pour les assurés. Enfin, l’obligation de recourir à La Médiation pour les litiges inférieurs à 5 000 € explique aussi la hausse des saisines.
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Avec quelles conséquences sur vos délais de traitement ?
Le délai moyen de traitement des dossiers de médiation était de sept mois en 2023, et presque la moitié des assurés recevaient une réponse en moins de trois mois, ce que je considère une belle performance alors que les délais de La Médiation dépassaient douze mois quand j’ai pris le poste en 2020. Cette performance est menacée par la très forte hausse des saisines. Le délai moyen dérive aujourd’hui vers huit mois. Pour l’instant, la situation reste gérable grâce à une hausse des solutions amiables proposées par les assureurs dès lors que La Médiation est saisie ; celles-ci représentent 35 % des dossiers contre 30 % en 2022. Cela allège le travail de La Médiation, mais souligne aussi parfois des failles dans les services réclamations des assureurs, qui attendent qu'elle soit saisie pour transiger.
Quelles mesures pour maintenir vos délais de traitement ?
L’équipe de La Médiation a doublé ces quatre dernières années, passant de 45 à 90 collaborateurs. Il va falloir continuer à nous renforcer, c’est certain. Je rappelle que nous agissons sous le contrôle de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation et de la consommation (CECMC), qui surveille nos délais de traitement. Il faut bien sûr essayer de les réduire.
Il faudra une combinaison d’efforts : chez nous une hausse des effectifs et regarder ce que les nouvelles technologies peuvent nous apporter pour accélérer le traitement des dossiers. Je pense à l’intelligence artificielle non pas pour remplacer les juristes qui resteront au cœur du processus, mais pour les assister en automatisant des tâches administratives comme le classement des pièces qui nous sont adressées ou la rédaction de résumés. Chez les assureurs, il faut renforcer les services réclamation, trop souvent débordés.
Qu’en est-il de la recevabilité des saisines ?
Le taux de recevabilité est passé de 30 à 45 % après la nouvelle recommandation de l’ACPR. Cela veut dire que c’est davantage à bon escient que nous sommes saisis, après que l’assuré a suivi le processus de réclamation. Je m’attends à ce que ce taux continue à progresser. Nous avons 18 collaborateurs au pôle gestion pour traiter ces 35 000 saisines. Celles qui ne sont pas recevables sont des saisines « hors sujet » dont le litige est avec la banque par exemple, pas avec l’assureur, nous orientons alors sur le médiateur compétent. Ou celles qui sont prématurées – l’assuré n’a pas saisi le service réclamation de son assureur.
Pourquoi les saisines concernant la SFAM ont souvent été jugées irrecevables ?
Nous avons continué cette année à recevoir de nombreuses réclamations concernant la SFAM et ces différentes marques (Indexia…), en raison notamment de la médiatisation des affaires judiciaires qui a alerté les clients. Ces dossiers étaient souvent frustrants car, bien que la SFAM reconnaisse devoir des sommes aux assurés (1000 € par exemple), elle ne les payait pas. En conséquence, bien qu’il n’y ait pas de litige entre l’assuré et l’assureur, ces réclamations ne pouvaient pas être résolues. Cela illustre les pratiques déplorables de la part de la SFAM, à propos desquelles les associations de consommateurs et La Médiation ont alerté depuis des années.
Quelles sont vos recommandations à la profession ?
Commençons par la clarté des contrats et du vocabulaire. Les termes « invalidité » (dont la définition est différente entre la sécurité sociale et le contrat d’assurance) et « accident » (dont la définition est très restrictive, avec notamment le besoin que ce qui s’est produit relève d’une cause extérieure), continuent de créer beaucoup d’incompréhension. J’essaie de convaincre les assureurs de se rapprocher du langage de la vie courante et de reconnaître certaines situations comme des accidents, comme tomber d’un toit ou d’une échelle.
Il y a les clauses d’exclusion. Vous savez qu’elles doivent être précises, « formelles et limitées ».
Autre sujet, les délais d’indemnisation. Un encadrement avait été proposé par le précédent gouvernement dans un texte sur la simplification de la vie économique et je trouve l’idée pertinente. Ce qui implique aussi que les experts passent plus vite constater l’ampleur des dégâts quand l’assureur les missionne. Pour moi, l’assureur devrait décider dans les quinze jours s’il est nécessaire de faire passer un expert, et celui-ci devrait se rendre sur les lieux dans les trois mois.
Enfin, il faut progresser, toujours à propos des experts, sur la transparence (transmettre aux assurés les rapports), l’indépendance (souvent mise en doute par les assurés) et la compétence des experts d’assurés en habitation. Aujourd’hui, l’absence de qualification requise permet à des individus de se présenter comme experts après des catastrophes naturelles, alors qu’ils n’ont pas la compétence nécessaire.