Épargne-vie

L’enveloppe fiscale de l’assurance vie revue et corrigée par Oxfam

Publié le 9 octobre 2024 à 9h00

Valérie Chrzavzez    Temps de lecture 5 minutes

Dans un rapport intitulé « Super héritage, le jackpot fiscal des ultra-riches », l’ONG Oxfam critique les inégalités de traitement en matière de succession et propose de supprimer différents dispositifs d’optimisation fiscale afin de générer plus de 200 Md€ pour les finances publiques. Le point sur cette proposition de réforme, qui n’épargne pas l’assurance vie, alors que la présentation du budget 2025 par le gouvernement est prévue jeudi.

À la fin du deuxième trimestre 2024, la dette publique atteignait 3 228,4 Md€, soit 112 % du PIB tricolore. Le gouvernement Barnier s’est donné pour mission d’y remédier en mettant davantage à contribution les Français les plus riches, tout en cherchant à réduire les dépenses. « Pour trouver de l’argent, nous préconisons de mettre fin aux supers héritages », déclare Layla Abdelké Yakoub, responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités à Oxfam France, rédactrice du rapport « Super héritage, le jackpot fiscal des ultra-riches ». Selon l’ONG, 0,1 % des Français héritent de 13 M€ en moyenne, soit 180 fois l’héritage médian. En recourant à des conseillers fiscaux, ils parviennent à n’acquitter que 10 % de droits de succession, alors que sans optimisation ils devraient payer 45 %. Il y aurait donc matière à trouver des recettes supplémentaires en taxant davantage les héritages les plus importants. Dans son rapport, Oxfam cible notamment deux mécanismes de transmission : le pacte Dutreil relatif aux transmissions familiales d’entreprises, qui permet de bénéficier d’un allègement des droits de 75 % sur les actifs professionnels et… l’assurance vie.

Le spectre de la réintégration de l’assurance vie dans les successions

Les Français sont-ils prêts à accepter une remise en cause de leur placement préféré ? Le succès de l’assurance vie ne se dément pas. En 2023, les encours sur ces placements ont atteint le niveau record de 1 923 Md€. Près de 18 millions de Français détiennent une assurance vie, avec un encours moyen de 31 900 €. On est loin des ultra-riches. Mais comme l’assurance vie permet de transmettre 152 500 € en franchise d’impôts, avec une taxation résiduelle de 20 % ou 31,25 %, le rapport d’Oxfam a calculé que ces contrats feraient perdre 4 à 5 Md€ par an aux finances publiques. D’où sa proposition de supprimer tout abattement et de lui appliquer le barème des droits de transmission. Ce qui reviendrait à en faire un actif successoral comme un autre.

Direction Luxembourg-ville ?

David Charlet, président de l’Association nationale des conseillers financiers (Anacofi), rappelle que la spécificité de l’assurance vie française est d’avoir fusionné un contrat de capitalisation, un produit d’épargne et une assurance décès. De son vivant, on peut récupérer son épargne à tout moment et c’est seulement au moment du décès du souscripteur que la contre-valeur est versée comme une assurance décès aux bénéficiaires. David Charlet signale que dans son « procès à charge », Oxfam oublie de préciser qu’il existe dans d’autres pays des outils qui visent le même objectif que l’assurance vie française, comme les trusts ou la fiducie. C’est pourquoi détricoter les assurances vie ne lui paraît pas judicieux. D’autant moins que le contournement serait facile. Si les avantages de l’assurance vie venaient à être remis en cause, les Français auraient vite fait de se tourner vers d’autres solutions pour parvenir au même résultat, au risque de priver l’économie française du pécule placé sur ces contrats. En tant que membre de l’Union européenne, la stratégie la plus simple, déjà largement usitée par nombre d’épargnants, serait de se tourner vers l’assurance vie luxembourgeoise, ou plus simplement encore de coupler produit d‘épargne et assurance décès. David Charlet juge que dans ses préconisations, Oxfam rate sa cible, car parmi les « ultra-riches », beaucoup ont déjà transféré leurs capitaux ou résidence hors de notre territoire et prévu que le jour de leur décès, leur patrimoine soit traité, en partie au moins, hors du droit français. Comme les 10 % des Français les plus riches ont placé 60 % de leur patrimoine dans l’immobilier, mieux vaudrait revoir les règles fiscales sur l’immobilier, qui par essence ne peut pas quitter le territoire, pour les atteindre. « Sans s’en prendre aux résidences principales et en agissant avec prudence, car taxer les rapports peut dissuader d’investir, avec des conséquences sur le logement », prévient-il. Taxer davantage les résidences secondaires ou équivalent aurait en revanche moins de conséquences.

La publication du rapport d’Oxfam, le 17 septembre dernier, n’a sans doute pas eu le retentissement escompté par l’ONG. « Parce que le 5 septembre Michel Barnier a été nommé Premier ministre. Cela aurait sans doute été différent si nous avions eu un premier ministre de gauche. Mais nous ne sommes pas à l’abri que le rapport ressorte si le gouvernement actuel venait à tomber », prédit David Charlet.

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