Lors d’un déplacement en Guadeloupe et en Martinique la semaine dernière, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, ont annoncé le lancement d’une mission chargée de faire un état des lieux et des recommandations sur l’évolution du système d'assurance français face aux enjeux du dérèglement climatique.
Légende photo : Les ministres de l'Economie et de la Transition écologique en séance de travail vendredi 26 mai en Guadeloupe avec les représentants des assureurs. Crédit photo : Hamilton De Oliveira
« Les événements climatiques extrêmes – tempêtes, inondations, cyclones, sécheresses – se multiplient et augmentent en intensité en France métropolitaine et dans les outre-mer », explique Bruno Le Maire. Ce qui se traduit par une hausse importante des coûts d’indemnisation des pertes matérielles, agricoles et d’exploitation. « Lesquels pourraient représenter 70 Md€ de surcoûts au cours des trois prochaines décennies », estiment les deux ministres. Pour faire face à cette dérive, France assureurs s'était montré favorable fin mars à une hausse de la surprime dédiée aux catastrophes naturelles, dont le prix moyen est actuellement de 25 € par an et par ménage. Un mois plus tôt, la Caisse centrale de réassurance (CCR), chargée de la gestion du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, s’était inquiétée dans un rapport (1) d’un déficit du régime Cat Nat qui pourrait être d'un minimum de 420 M€ par an à l’horizon 2050. « Une situation financière qui requerrait une intervention massive de l’État », soulignait le réassureur.
Un trio d’experts pour trois axes de recommandations
Dans ce contexte, les ministres ont confié à trois experts de l’assurance et de l’adaptation au changement climatique une mission destinée à dresser l'état des lieux de l’évolution du système d'assurance français et à « faire des recommandations pour renforcer nos moyens d’actions et de prévention face aux risques », précise Bruno Le Maire. Les travaux de cette mission vont porter sur trois axes : les moyens permettant d’assurer la soutenabilité du régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles créé en 1982, le renforcement du rôle du système d'assurance dans le financement de la prévention et de l’adaptation face au dérèglement climatique, et enfin l’analyse de la contribution du cadre prudentiel et de la politique de souscription des assureurs à l’atténuation du changement climatique.
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Large concertation pour un énième rapport
Selon Christophe Béchu : « La trajectoire de notre pays face au changement climatique implique de déployer dès aujourd’hui des politiques publiques permettant de mieux prévenir les risques environnementaux. » Il s’agit de préciser le rôle des acteurs du système d'assurance tant en matière d’indemnisation que de prévention. Une large concertation associera assureurs, réassureurs, organismes de recherche, élus et représentants de la société. « Cette mission, précise le ministre, analysera la pertinence de nos outils d’indemnisation et de prévention des risques climatiques, et le rôle du système d'assurance. » La Direction générale du Trésor, la CCR, l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique (Onerc), la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et Météo France doivent apporter leur expertise à la mission.
La remise de copie est prévue d’ici la fin de l'année. Ce rapport fera suite à celui sur le phénomène de non-assurance (2), rendu en janvier 2020 par les services de l’Inspection générale des Finances et ceux de l’Inspection générale du conseil général de l’environnement et du développement durable. Rapport qui avait dormi trois ans dans les tiroirs du ministère des Outre-mer…
(1) Rapport au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, décembre 2022.
(2) Le phénomène de non-assurance dans les départements et collectivités d’outre-mer, Inspection générale des Finances, Conseil général de l’Environnement et du Développement durable, janvier 2020.
Trois experts des risques climatiques
Thierry Langreney, président de l’association environnementale Les Ateliers du futur et ancien directeur général adjoint de Crédit agricole assurances et directeur général de sa filiale d’assurances de dommage Pacifica.
Gonéri Le Cozannet, ingénieur et docteur en géographie, spécialisé sur les risques côtiers et le changement climatique au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Il a contribué au 6e rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Myriam Mérad, directrice de recherche au CNRS. Elle préside le conseil scientifique de l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques.