Rencontre avec Sylvie Peretti, DRH de Generali France, membre du comité exécutif

« En présentiel, nous privilégions les temps collectifs »

Publié le 3 juillet 2024 à 10h17

Florent Bardet    Temps de lecture 9 minutes

Avec un taux d’engagement de ses salariés de 82 %, l’investissement de Generali dans la qualité de vie au travail porte ses fruits selon Sylvie Peretti, la DRH du groupe, également présidente de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

Propos recueillis par Florian Bardet

Quel est le périmètre couvert par la politique de qualité de vie au travail dans le groupe ?

Quand on parle de QVT, il faut avoir une approche holistique. Cette thématique englobe l’égalité des chances, les relations de travail, le climat social, la santé au travail et le contenu du travail. Notre rôle est que chacun soit conscient de sa contribution au collectif. Mais la QVT recouvre aussi l’employabilité, le développement professionnel, le partage et la création de la valeur qui sont des questions très significatives pour nos collègues, car elles renvoient à la rémunération. Sur tous ces sujets, nous déployons des politiques et des dispositifs dont nous mesurons l’efficacité.

Quels sont les indicateurs pour en mesurer l’efficacité ?

Nous utilisons des indicateurs, par exemple dans notre enquête d’opinion annuelle « Engagement Survey » qui bénéficie d’un taux de participation significatif de plus de 80 %. Nous interrogeons nos salariés sur différents items pour mesurer leur engagement. Il en ressort un taux de réponse positive de 82 %, ce qui est un très bon score. Il y a des questions sur la relation avec le groupe Generali pour savoir s’ils sont fiers de leur entreprise et s’ils la recommanderaient, mais aussi sur leur travail. Par exemple, 84 % d’entre eux sont convaincus de la finalité et des objectifs de notre entreprise et 87 % sont fiers d’y travailler. De plus, chaque année, les collaborateurs peuvent s’exprimer sur leur souhait d’évolution, leurs attentes en matière de formation et l’adéquation charge de travail et équilibre de vie au travers de l’entretien annuel.

Quels sont les accords liés à la QVT ?

Nous avons plusieurs accords qui structurent nos actions dans le champ de la QVT. Il y a l’accord Horizon sur l’organisation du temps de travail, qui a permis de déployer un modèle hybride beaucoup plus flexible qu’avant la Covid-19, avec 88 % de nos collaborateurs éligibles qui bénéficient du télétravail. Nous proposons trois modèles d’organisation selon les typologies de métiers, la première formule est sur la base de jours fixes, la deuxième prévoit un mixte entre jours fixes et flottants, et dans la troisième le salarié s’organise mensuellement. La première formule est adaptée aux activités de flux réguliers, comme les services de gestion, la seconde aux équipes qui ont du flux mais aussi de la saisonnalité, et la troisième est particulièrement adaptée aux managers ou aux équipes projets dont l’activité est liée à celles d’autres équipes. Le taux maximum de télétravail est de 60 % hebdomadaire ou mensuel en fonction de la formule.

Quelles sont vos actions en matière de « flex office » ?

Dans notre accord, nous avons travaillé sur deux autres volets. Nous avons équipé nos collaborateurs avec des ordinateurs portables, des casques confortables et des écrans à domicile. Nous avons aussi renforcé les capacités de connexion à nos outils informatiques et réduit les délais de lancement des applications, cela participe à la qualité des conditions de travail. L’autre aspect concerne l’aménagement des locaux dans lesquels nous avons particulièrement investi, pour favoriser les échanges et interactions des équipes sur site. Nous avons adopté une nouvelle approche avec des salles de réunion qui font aussi office de bureaux. Dorénavant, le temps de présence dans l’entreprise doit privilégier des temps collectifs. Nous avons aussi créé des espaces de convivialité, appréciés de nos collaborateurs ainsi qu’une offre de services (conciergerie, salle de sport, coiffeur…). Nous tenons à offrir « un plus » à nos collaborateurs, et qu’ils aient envie de travailler sur site.

Quand avez-vous déployé cet accord sur le télétravail et quel bilan en faites-vous ?

Nous l’avons déployé il y a deux ans. Chaque équipe a défini sa charte avec ses propres règles de fonctionnement, en respectant l’une des trois formules. Chaque année, les services font le point et font éventuellement évoluer leur organisation. Aujourd’hui, 98 % des salariés organisent leur travail en fonction de règles définies au sein de leurs équipes. Il y a beaucoup d’autonomie, nous avons pris le parti de donner la main aux managers et aux équipes. L’intérêt est d’activer des sujets de discussion pour gérer notre quotidien dans un contexte où l’on passe huit heures au bureau. Nous faisons confiance aux salariés et aux managers, c’est un élément clé de la qualité de vie au travail et d’un management responsabilisant.

Comment accompagnez-vous ces différentes dynamiques ?

Au moins annuellement, nous faisons des commissions de suivi des différents accords que nous signons avec les partenaires sociaux. Nous avons signé pour quatre ans notre accord égalité professionnelle, qualité de vie au travail et promotion des valeurs de diversité, équité et inclusion, ce qui nécessite un suivi tout au long de l’accord. Par exemple, nous allons mesurer l’accès des femmes aux postes à responsabilité. Nous avons aujourd’hui 40 % de femmes au comex, elles représentent 49,4 % des managers, mais aussi 33 % des collaboratrices travaillant dans une fonction Tech. Sur l’index salarial, nous sommes entre 92 et 94 % selon les années, ce qui est plutôt une réussite. Nous avons également une politique claire et dynamique au-delà du genre sur l’égalité des chances, nous travaillons sur le handicap avec un accord spécifique avec des engagements sur le recrutement et sur l’adaptation des postes de travail. 2023 a marqué la signature de notre 7e accord triennal qui affirme, de nouveau, nos ambitions et nos engagements en la matière.

Pouvez-vous détailler les spécificités de l’accord sur le handicap ?

Il y a quelques semaines, nous avons lancé Cap handicap. Dans ce cadre, les équipes RH sont parties en province pour sensibiliser aux différents handicaps de façon ludique. Les managers comme les équipes se sont mobilisés pour participer à des expériences de mise en situation de différents handicaps (visuel, auditif, physiologique…) et cela contribue à favoriser l’intégration. Nous avons une cellule dédiée au recrutement et à l’accompagnement des personnes handicapées dans leur prise de poste. En 2023, le pourcentage de collaborateurs en situation de handicap est de 6 %.

Et vos actions en direction des seniors ?

Nous avons aussi des dispositions sur les questions intergénérationnelles. Nous sommes signataires de la charte Landoy sur l’engagement des collaborateurs de 50 ans et plus. Nous sommes aussi très impliqués dans la lutte contre le sexisme ordinaire avec des conférences, différentes actions de sensibilisation…  Nous avons créé un programme pour les managers sur la lutte contre toutes les formes de discrimination et l’identification des biais inconscients. L’objectif étant d’apprendre à bien réagir devant toutes les formes de discrimination.

Quelles sont les autres thématiques connexes à la QVT qui concourent à votre politique RH ?

Il y a aussi tout ce qui touche au dialogue social. Nous avons un taux de participation de 70 % aux élections internes. Nous signons une vingtaine d’accords par an, nous avons une politique très dynamique. C’est très important car nous travaillons avec les élus sur les salaires et la QVT. Ce dynamisme est aussi le signe d’une entreprise collaborative. L’autre sujet est la relation managériale, nos collaborateurs apprécient leurs responsables, 84 % estiment qu’ils savent organiser, animer et coordonner le travail en équipe, 85 % se sentent bien connectés à leur équipe. Cela démontre que le flex office n’a pas rompu le lien et que la satisfaction est élevée. Le salaire est primordial mais le sens des missions et l’environnement comptent aussi énormément. Quand on se sent bien dans son équipe et avec sa direction, c’est un élément important de fidélisation.

Faites-vous un lien entre stratégie QVT et développement des compétences ?

Nous investissons lourdement dans la formation des collaborateurs et des managers. Par exemple en 2023, nous avons formé 80 % de nos effectifs à la fresque du climat. Nous formons également sur les enjeux sociétaux. C’est très important d’acculturer nos employés à toutes les évolutions, qu’elles soient sociétales ou technologiques. Sur ce point, l’intelligence artificielle est un axe fort de notre politique de formation. Dès 2016, nous avions formé tous nos collaborateurs sur les outils digitaux. Aujourd’hui, cela paraît anodin, mais cela a été très utile lors des confinements. Nous investissons en moyenne quarante-huit heures de formation annuelle par collaborateur, avec un budget annuel conséquent. En 2023, nous avons formé 3 500 collaborateurs et managers aux questions de diversité, équité et inclusion. Nous favorisons aussi l’autonomie de nos équipes sur ces questions avec une approche très ouverte et un accès en libre-service à un catalogue important de formations en ligne.

La rémunération est-elle aussi abordée sous l’angle de la QVT ?

Le partage et la création de la valeur sont un point important de la QVT. Nous avons chaque année des NAO ; en 2022 et en 2023 les accords majoritaires ont été signés avec la CFE-CGC, la CFDT et l’UNSA. Nous avons également un plan de participation que nous négocions avec les partenaires sociaux et dont le montant est en hausse de 18 % cette année, ce qui représente un peu plus d’un mois de salaire. Nous avons également un plan d’actionnariat gratuit distribué par les managers. Et pour la deuxième fois, le groupe a lancé un plan d’actionnariat collaborateurs qui offre la possibilité de devenir actionnaire dans des conditions très favorables.

Vous êtes présidente de l’Anact depuis 2022, ce rôle nourrit-il vos politiques QVT ?

Je connaissais l’Anact en tant que DRH, j’apprécie vraiment leur action sur la QVT avec une vision holistique en tant que professionnelle des RH. Cela fait écho à mes actions et cela me challenge dans mes missions au quotidien. Ces fonctions me permettent également d’adresser les sujets de demain et de les porter devant le comex, pour anticiper nos politiques RH.

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