Associé chez Addactis, le conseil en assurance, Guillaume Rosolek revient sur les principales évolutions du marché de l’assurance auto et analyse les enjeux d’une branche poussée à se réinventer dans un contexte législatif et technologique mouvant.
Quelles sont les prévisions tarifaires pour 2022 en auto ?
Nous anticipons aujourd’hui une inflation des tarifs de l’ordre de 2 % qui résulte de la combinaison de plusieurs causes, notamment la baisse tendancielle en fréquence des sinistres qui est rattrapée par une hausse plus importante de leurs coûts moyens. Cette moindre fréquence de sinistres s’explique par la diminution du kilométrage moyen effectué par le conducteur français, couplée à un comportement de conduite un peu plus vertueux. Les véhicules sont également mieux équipés, ce qui contribue à réduire les risques. Le pendant de tout cela est que la dérive des coûts moyens est plus importante que la baisse de fréquence des sinistres. Si on évalue l'amélioration tendancielle de la fréquence d’environ 2,5 %, la dérive des coûts est au-delà de 4•%. Cela est notamment lié à l’augmentation des prix des pièces détachées, la France étant un des pays d’Europe où ils sont les plus élevés. Nous constatons également un changement des parcs de véhicules qui entraîne des surcoûts. Les véhicules électriques ou hybrides nécessitent une main-d’œuvre plus qualifiée donc plus coûteuse. Nous estimons aujourd’hui que seuls 20 à 25 % des garages sont en capacité de prendre en charge ces types de véhicules, ce qui entraîne une plus forte demande.
La montée en puissance des SUV dans la part des véhicules neufs vendus en France (40 % en 2020) explique également ces augmentations, leurs coûts de réparation étant là encore sont plus élevés. Enfin, le contexte de taux bas affecte le provisionnement des rentes. Ainsi, une partie des sinistres corporels, à déroulement long, sont de plus en plus coûteux pour les assureurs.
Quel est l'impact de la libéralisation du marché des pièces détachées, adoptée cet été par le Parlement, sur le montant des primes ?
La libéralisation du marché des pièces détachées représente le cheval de bataille de nombreux assureurs. Cela étant, l’impact de cette mesure ne sera pas immédiat, dans la mesure où la loi prévoit une mise en application à partir de 2023. Il faudra ensuite que le marché s’organise, en mettant en place des réseaux de récupération et de mise à disposition des pièces détachées. Une année ne sera pas suffisante pour que la France puisse se doter des meilleurs circuits et que les effets de la libéralisation soient définitivement visibles. Aussi, le texte voté aura une portée relativement limitée. En effet, cette loi qui concerne uniquement les pièces détachées dites visibles maintient le monopole des constructeurs sur les dix premières années de mise en circulation d’un véhicule, au lieu de vingt-cinq ans actuellement.
Aujourd’hui, l’ancienneté moyenne des véhicules réparés est d’environ sept ou huit ans. Les modèles qui seront soumis à la concurrence à partir de 2023 devront obligatoirement avoir plus de dix ans, et nous estimons que cette mesure devrait impacter 20 à 25 % des véhicules. La diminution de 6 à 15 % des primes d’assurance qui avait été envisagée ne pourra pas être tenue. Pour aboutir à une telle baisse, il aurait fallu faire descendre le monopole à cinq ans.
La meilleure utilisation des pièces de ré-emploi sera certainement plus avantageuse pour les assureurs que la loi sur la libéralisation des pièces détachées. Cette réutilisation est une pratique qui leur tient à cœur depuis de nombreuses années et on estime désormais qu’elle représente 15 à 20 % des réparations. Le frein majeur concerne son utilisation sur les véhicules de moins de cinq ans du fait de la difficulté à obtenir l’acceptation du client, alors que cette pratique est davantage admise pour les véhicules de plus de dix ans. La marge de progression sur cette catégorie cinq-dix ans est importante et représente un véritable enjeu. En outre, nous estimons que la pièce de ré-emploi coûte 40 à 60 % moins cher que la pièce neuve.
Est-ce que les nouveaux usages des véhicules personnels, notamment leur moindre utilisation du fait du télétravail, vont conduire à une stagnation des volumes de primes ?
C’est une des questions clés pour les mois à venir. Si on observe ce qui s’est passé pendant cette pandémie, on constate que les transports collectifs ont été délaissés au profit de déplacements plus verts (vélo ou marche à pied) d’une part, et des véhicules personnels d’autre part. Nous pensons que nous allons revenir à un usage des transports collectifs tel que nous le connaissions auparavant. En revanche, combien y aura-t-il de jours télétravaillés en 2022 vs ce qu’on a connu en 2021 et quels en seront les impacts ? Nous n’avons pas d’indication pour l’instant. Nous constatons que le retour à la normale est préconisé dans les entreprises, néanmoins une acceptation plus importante du télétravail devrait conduire à une circulation moindre. Cela aura sans aucun doute un impact positif, mais qui est difficile à quantifier à l’heure actuelle.
Comment le marché de l’assurance se prépare-t-il à l’avènement des voitures autonomes ?
Nous sommes encore loin de la voiture complètement autonome en France, notamment parce que nos infrastructures sont beaucoup moins adaptées que dans certains pays, comme les USA, qui disposent de grandes routes larges et perpendiculaires. Par ailleurs, subsiste encore une réticence au niveau européen sur le recours aux voitures autonomes, par crainte de moins bien maîtriser son véhicule.
En revanche, l’Union européenne impose désormais d’équiper l’ensemble des véhicules neufs de nombreux dispositifs (aide au maintien dans la voie, système d’aide au freinage, détecteur de somnolence ou de piétons) qui ont pour objectif de faire baisser la fréquence des sinistres ou de limiter leur intensité.