Chantier patrimonial le plus important de la capitale française, l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde, a su attirer les bonnes grâces de Siaci Saint Honoré pour boucler son budget de 130 M€. Par ce mécénat, le courtier participe autant à la préservation du patrimoine qu’il fait office d’évangélisateur en matière d’assurance des monuments historiques. Coulisses d’un mécénat.
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Ses majestueuses colonnades néo-classiques et sa luxueuse loggia sont dans l’œil de chaque visiteur de la place de la Concorde à Paris. Louis XV y installa en 1772 le Garde-Meuble de la Couronne, Napoléon Ier y organisa en 1804 un bal à la gloire de son sacre, tandis que Victor Schœlcher y signa le décret d’abolition de l’esclavage en 1848. Pourtant, l’Hôtel de la Marine est encore inconnu du public. Pour cause, après le déménagement de l’état-major de la Marine en 2015, l’édifice fait depuis l’objet d’un colossal chantier de restauration de 130 M€ destiné à asseoir, d’ici le printemps prochain, l’édifice comme emblème du pouvoir et de l’architecture d’apparat du XVIIIe siècle français. Il n’en fallait pas plus pour convaincre Siaci Saint Honoré de soutenir cette opération hors norme.
Enveloppe de 200 000 €
Son dévolu s’est porté sur la restitution de deux espaces de l’ancien appartement de l’intendant du roi. Témoin du faste du bâtiment, le cabinet des glaces est tapissé de boiseries et miroirs peints de sujets galants – dont les femmes nues ont toutefois été habilement transformées en putti à la fin du XVIIIe. Attenant, le cabinet aux lambris dorés demande une importante intervention puisqu’il a été redécouvert lors des diagnostics, après avoir été dissimulé derrière les aménagements de l’état-major qui l’avait transformé en cuisine en inox ! Si le courtier préfère rester modeste en soulignant que son mécénat ne dépasse pas 1 % du chèque offert par la famille princière du Qatar Al Thani au chantier (soit calcul fait une enveloppe de 200 000 €), il s’agit toutefois de son plus important investissement philanthropique. Rompu au mécénat culturel, S2H franchit ici une nouvelle étape après avoir été mécène du Festival de Cannes, des César, du château de Chambord, mais aussi du musée d’art moderne de la ville de Paris ou du Petit Palais lors de son exposition sur l’artiste contemporain Andres Serrano. Plus récemment, l’élan collectif autour de l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris a incité Siaci à entrer dans la danse avec une enveloppe de 50 000 €, à côté de la promesse de dons de 10 M€ d’Axa, de l’offre de 1 300 chênes centenaires pour la reconstruction de la charpente de la cathédrale par Groupama, et la proposition de mécénat de compétences de Verspieren.
Ci-dessus : le cabinet des glaces, avec ses miroirs peints, est l’une des pièces les mieux conservées dans son état d’origine. Ornées de sujets galants, les parois ont fait les frais de la pudeur des précédents propriétaires qui ont remplacé les femmes nues par des putti. © Ambroise Tézenas
« Si à mon arrivée il y a deux ans, le soutien au secteur culturel existait déjà chez Siaci Saint Honoré, nous avons voulu l’accentuer pour qu’il devienne un territoire d’expression du groupe. L’excellence et le savoir-faire à la française, le patrimoine et la culture sont les valeurs qui s’exportent le mieux concernant la France », explique Naguib Boudjellal, responsable du mécénat du groupe dont l’ascension internationale ne semble guère avoir de terme. Toutefois, le courtier se défend d’avoir une politique de mécénat tournée sur la seule question d’image et tente coûte que coûte de faire résonner son engagement sociétal en interne. Depuis son arrivée dans de nouveaux locaux aux Batignolles, S2H a par exemple rebaptisé ses 54 salles de réunion avec des noms d’artistes, tandis qu’il use de leur soutien comme source de visuels pour illustrer les documents de communication interne comme les cartes de vœux. « Notre politique de mécénat n’est pas là pour faire parler de nous mais pour contribuer à valoriser nos engagements auprès de nos collaborateurs, de nos clients et de nos partenaires, poursuit le porte-parole. Certes, indirectement, nous parlons de la maison, mais quand nous faisons du mécénat, nous ne parlons pas business. Ce sont deux choses différentes. »
Un mécénat pour prospecter ?
Pourtant, Siaci Saint Honoré ne serait probablement pas contre l’idée de renforcer son portefeuille en matière de monuments historiques publics. Si l’Hôtel de la Marine dépend du Centre des monuments nationaux, établissement public actuellement chez le concurrent Gras Savoye, Siaci se défend sur le secteur de l’assurance des grands monuments. Grâce à son entité spéciale active depuis une vingtaine d’années dans les appels d’offres publics, ils comptent ou ont compté parmi leurs clients l’Hôtel de ville de Paris, l’Assemblée nationale depuis cette année, le Sénat, la CCIP ou encore la Tour Eiffel.
Siaci Saint Honoré est mécène de la restitution de deux espaces d’un des appartements de l’Hôtel de la Marine. © Ambroise Tézenas
« Les monuments publics que nous voyons passer dans les appels d’offres sont certes mis sur le marché de l’assurance régulièrement mais avec une limitation d’indemnité très en deçà de leur valeur. La limite contractuelle d’indemnité (LCI) est généralement de quelques dizaines de millions d’euros, soit un différentiel important par rapport à l’enjeu financier en cas de sinistre total. Quant aux textes de police, on est sur des contrats dommages classiques avec reconstitution à l’identique. Parfois, les assureurs exigent une limite d’assurance par mètre carré. La catastrophe de Notre-Dame de Paris fera peut-être bouger un peu les lignes de ce décalage entre base d’assurance et valeur de l’édifice », explique Frédéric Durot, directeur du département dommages de Siaci Saint Honoré. Face à l’immaturité de ce segment professionnel, aux capitaux cruciaux et aux importantes perspectives de développement, y compris en matière de dommages-ouvrage, le mécénat des institutions patrimoniales publiques en deviendrait presque une mission d’évangélisation de l’assurance !