Alors que le débat parlementaire est ouvert sur le PLFSS 2024, pouvoirs publics et complémentaires s’accordent pour mettre un terme aux mauvaises pratiques fragilisant le régime.
« Notre système ne répond plus à sa promesse initiale », lance Séverine Salgado, directrice générale de la FNMF, lors de la présentation des propositions de La Mutualité française pour le PLFSS 2024. Selon son dernier rapport « Carnet de santé », La Mutualité française indique que 87% de la population est confronté au désert médical, amenant 1,6 million de Français à renoncer à des soins médicaux chaque année. Concernant le financement du système, raison d’être du projet de loi, le déficit des régimes de base est toujours trop élevé à 19,6 Md€.
La Mutualité française propose de faire la chasse aux mauvaises pratiques (fraude, désorganisation des soins, actes redondants) qui fragilise le régime. En 2020, les examens ou actes non pertinents (un acte proposé à un patient qui n’est pas le plus adapté compte tenu des caractéristiques du patient et des données actuelles de la science) sont estimés à 25-30 % selon la Haute autorité de santé (HAS), soit un surcoût de 50 Md€ par an.
Coup d’arrêt sur la téléconsultation
Les pouvoirs publics sont en phase avec la position de La Mutualité française. Le PLFSS 2024 prévoit ainsi de mieux réguler les arrêts de travail, en proie à une « très forte dynamique des dépenses d’indemnités journalières maladie observée ces dernières années (16 Md€ en 2022 contre 11 Md€ en 2010), qui n’est que partiellement liée à l’amélioration du marché de l’emploi et à l’augmentation des salaires », peut-on lire dans la présentation du projet de loi. L’article 27 prévoit de renforcer les modalités de contrôle tant des prescripteurs que des assurés, tandis que l’article 28 permet d’encadrer certaines pratiques de téléconsultation. Il ne sera plus possible de bénéficier d’un arrêt de travail supérieur à trois jours en téléconsultation, la prescription d’un arrêt plus long nécessitant un examen physique.
Matthieu Havy, directeur général du courtier gestionnaire Génération, propose une autre piste pour éviter les mauvaises pratiques : « Sans aller sur du "tous fraudeurs", nous disposons de tous les outils nécessaires pour identifier ceux qui abusent du système. En tant que courtier gestionnaire par exemple, nous possédons des références par pathologies, et en fonction du profil de l’arrêt, nous pouvons diligenter un contrôle ou des demandes de précisions. Ce n’est pas la peine de pénaliser tout le monde en augmentant les franchises. Allons vers ceux qui abusent du système et servons-nous de la data et de l’IA. »
Accélération sur la fraude
Sujet déjà bien identifié par les pouvoirs publics, le PLFSS prévoit le renforcement des obligations des plates-formes numériques pour garantir le paiement des cotisations dues par leurs utilisateurs. Les travaux se poursuivent également pour faciliter les échanges de données entre administrations. Selon le projet de loi : « À titre d’exemple, les organismes de sécurité sociale pourront accéder à une base de données sur les RIB frauduleux ou, s’agissant plus spécifiquement de l’assurance maladie, échanger des données avec les organismes complémentaires. » Bien que ce sujet soit dans les tuyaux depuis longtemps, ces mesures devront encore nécessiter des travaux techniques et juridiques pour aboutir dans les prochains mois.
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Cette mesure s’aligne avec les propositions de la FNMF pour l’accélération du partage d’information via l’alimentation du dossier médical partagé, qui peine encore à trouver preneur auprès de la profession médicale, et une meilleure coopération entre la Sécurité sociale et les Ocam dans la lutte contre la fraude. La FNMF propose également d’ajuster le niveau de remboursement du médicament en fonction du « service médical rendu », critère prenant en compte la gravité de la pathologie et l’efficacité du médicament. En 2022, les dépenses de médicaments à service médical rendu faible sont de 475 M€.
Tarification à l’activité sur la sellette
Enfin, le PLFSS 2024 remet en cause la tarification à l’activité (ou T2A) qui est le système actuel de financement des établissements de santé publics et privés. Rémunérant ces derniers en fonction de l’activité médicale qu’ils réalisent, la T2A est depuis longtemps critiquée dans le monde médical car elle inciterait à réaliser le plus d’activité possible, notamment les plus coûteuses dans le cadre d’une politique productiviste appliquée à la santé.
La part des T2A, « ne permettant plus de répondre aux évolutions de notre système de santé », devrait diminuer au profit d’un modèle mixte. À compter du 1er janvier 2025, les activités standard resteront financées à l’activité mais les activités répondant à des « objectifs de santé publique » seront financées par des dotations et les activités « spécifiques » par un financement mixte T2A et dotation.