Raphael Reiter, directeur général d'International santé

« Nous observons un transfert du marché de la santé des expatriés du collectif vers l’individuel »

Publié le 12 mai 2022 à 9h00

Nessim Ben Gharbia    Temps de lecture 6 minutes

À la tête du courtier International santé, spécialiste de la protection sociale complémentaire des expatriés, Raphael Reiter présente les enjeux d’un marché secoué par la crise sanitaire.

Qu'est-ce qu'International santé ?

L'entreprise a été créé en 2014 avec l’objectif de lancer un comparateur d’assurance santé francophone en ligne pour les expatriés. Pour autant, nous avons le fonctionnement d’un courtier classique. Notre rôle dépasse la simple mise en relation, puisque nous conseillons nos clients pour leur trouver la couverture d’assurance la mieux adaptée à leur profil. Le volume de primes s’élève à 7 M€ à l’issue de l’exercice 2021. Nous avons assuré près 13 000 expatriés depuis notre création, ce qui nous place sur le podium de la couverture santé et prévoyance individuelle pour les expatriés. L’écrasante majorité de nos clients sont français. Nous avons également des assurés belges et suisses, canadiens et marocains, en plus d’une petite clientèle anglophone. Nous sommes sur tous les pays où un expatrié a besoin d’une assurance santé.

Il y a une explication à cela : en dehors de la langue, le fonctionnement des garanties/et couvertures n’est pas le même. Les contrats français sont bien différents de ceux qu on trouve sur d’autres marchés. Je trouve personnellement qu'ils sont meilleurs. Notre réglementation, qui s’applique aux polices expatriés, est particulièrement protectrice pour les assurés.

En quoi la réglementation française est-elle plus protectrice ?

Il y a principalement la question du renouvellement automatique des polices, qui est d’usage en France. Dans le modèle anglo-saxon, le contrat s’arrête en fin d’année et l’assureur va le re-proposer, avec des clauses qui peuvent différer selon le profil du client. En France, on tient compte de l’état de santé uniquement au moment de l’adhésion, ce qui n’est pas le cas dans les autres réglementations. Un enfant qui naît va être rajouté sur l’assurance de ses parents automatiquement dans un contrat français, sans tenir compte de son état de santé à la naissance. Ailleurs, l’enfant sera assuré un mois sur le contrat de la mère, ensuite il sera assuré à son nom avec des exclusions à vie s’il n’était pas en parfaite santé à la naissance.

Vous venez de lancer l'offre The France assurance, quelles sont ses caractéristiques ?

The France assurance est une offre hybride. Sur le marché, nous avons deux types d'offres, soit temporaire, jusqu’à douze mois, soit des offres expatriés qui durent à vie. Les contrats temporaires sont moins chers, car les risques sont limités dans le temps et les garanties limitées par les assureurs à l’urgence. Le problème de ce type d’offre, c’est que si quelque chose se déclare pendant la première année, l’assuré est dans une mauvaise situation. Il ne pourra plus trouver à un tarif correct une couverture après (conditionnée à un questionnaire de santé).

The French assurance est juridiquement un contrat d'expatrié, mais l’assuré peut choisir pendant six, douze ou dix-huit mois d’avoir une garantie limitée à l’urgence. Pendant ce temps-là, il va avoir une réduction de tarif de 30 % par rapport au tarif expatrié classique. Ce produit cible les expatriés qui ne connaissent pas la durée exacte de leur séjour, qui sont majoritaires, et est résiliable tous les trois mois lors de la première année.

La pandémie a-t-elle provoqué une baisse de l’activité de l’assurance des expatriés ?

La masse assurable a diminué dans le sens où il y a des expatriés qui ont regagné leur pays. Dans notre portefeuille d’assurances individuelles, beaucoup de nos clients travaillent dans le tourisme, la restauration, le commerce. Ces secteurs ont été fortement affectés par la Covid-19. Pour autant, un phénomène inverse s’est produit qui concerne des expatriés sur place au moment de la pandémie qui n’étaient pas assurés, et qui ont pris une assurance des suites de la pandémie.

La Covid-19 est-elle exclue des rapatriements ?

Dans la plupart des contrats, les épidémies et les pandémies étaient généralement exclues, aussi bien sur les remboursements de frais que sur l’assistance. Dans les faits, les assureurs et les assisteurs ont été volontaires, et ont effectué des gestes extra-contractuels. Je n’ai pas eu de situation de refus de prise en charge quand la situation l’exigeait. Aujourd’hui, les clauses ont évolué car les assureurs veulent continuer à répondre aux besoins du marché, et aujourd’hui, il y a une demande réelle de ces couvertures. Beaucoup de pays conditionnent l’entrée sur leur territoire à une attestation d’assurance Covid.

Certains salariés se sont expatriés pour quelques mois pour télétravailler. Ces activités sont-elles couvertes ?

Au niveau contractuel, il n y a pas de problèmes pour trouver des solutions pour les travailleurs indépendants. On peut proposer des garanties temporaires. Or, quand cela concerne des salariés en entreprises, il est nécessaire de prendre d’autres éléments en considération. Selon la législation française, l’employeur est en effet responsable de la sécurité de ses employés, quel que soit l’endroit d’où ils travaillent. Il y a des conventions collectives qui régissent les couvertures santé. Est-ce que les couvertures souscrites pour la France s’appliquent si le salarié télétravaille depuis Dubai ? La question se pose. C’est un point délicat, qui n’a pas été vraiment appréhendé au début. Aujourd'hui, le télétravail international s’institutionnalise. Il y a des visas « télétravail » qui ont été mis en place par une quinzaine de pays. Or, ce type de visa pose d’autres problèmes assurantiels.

Quels sont-ils ?

Si le salarié télétravaille à l’étranger jusqu’à trois mois par an, il n’y a pas de problème. Le Sécurité sociale et la complémentaire remboursent les frais de santé urgents. Au-delà de trois mois, les droits affiliés à la Sécurité sociale se coupent, car elle considère que le salarié n’est plus résident français. De fait, la complémentaire ne peut plus intervenir. Dans cette situation, nous conseillons à l’employeur de souscrire pour ces salariés des contrats expatriés temporaires.

Comment se porte le marché de la santé/prévoyance des expatriés ?

Aujourd’hui, nous observons un transfert du marché du collectif vers l’individuel. Le statut de l’expatrié change. Seul 10 % des salariés partent aujourd’hui avec un vrai statut d’expatrié, où l’entreprise prend en charge l’assurance santé, à côté d’autres frais (école des enfants, logements etc.), là où ce taux était de 30 % il y a une vingtaine d’années. Le marché devient beaucoup plus individuel, baisse en valeur, avec des modes d’expatriation plus précaires, notamment avec les free-lances. Le budget consacré à la couverture santé des expatriés est beaucoup moins important. Avec la Covid-19, la prime moyenne a baissé d’à peu près 15 % (de 3·800 à 3·200 € maintenant). Les expatriés n’ont plus les moyens de se payer les mêmes couvertures qu’avant et la couverture sociale en pâtit. 75 % des expatriés sont équipés en santé (ce qui laisse un quart d’expatriés sans couverture), 85 % des expatriés ne sont pas couverts en prévoyance, et 75 % ne souscrivent pas à une retraite de base correcte. C’est préoccupant pour l’avenir.

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