Interview de la semaine

« Nous n’avons aucune visibilité sur l’orientation que va donner le marché cyber coté assureurs »

Publié le 24 juin 2021 à 8h00

Nessim Ben Gharbia

Yves Fournier, directeur de clientèle chez Verspieren

Nessim Ben Gharbia
Journaliste 

Le courtier revient dans cet entretien sur le contexte de souscription du risque cyber et dévoile la stratégie du groupe pour accompagner ses clients face à ce marché haussier.

Comment Verspieren a vécu le durcissement du marché cyber ces derniers mois ?

Le contexte a été très particulier, les grands risques posent un gros problème de placement et la Covid-19 a généré une tension qui s’est accentuée avec l’augmentation de la sinistralité sur les grands risques.

Tous les assureurs ont revu leurs engagements, leurs wordings, leurs prix et leur positionnement sur le marché. Sur les PME, il y a eu moins de tension et il reste une certaine compétitivité sur ce segment qui diminue toutefois ces derniers mois. Sur les grands risques, les assureurs qui acceptent de se positionner en primary ne sont plus en mesure de donner 10 M€ de garanties, alors que nous avons des grands comptes qui souhaiteraient avoir 30, 50 ou 100 M€ de garanties. Aujourd’hui, il faudra aller chercher des solutions sur des marchés un peu plus exotiques, le marché français ne suffit plus. La problématique récente et croissante du placement concerne les primary. Elle est principalement liée à l’évolution très défavorable de la sinistralité.

En parallèle de cela, les attaques en cybercriminalité se sont orientées sur les grandes entreprises puisque les pirates y ont trouvé des points de vulnérabilité, sans doute liés aux conditions dégradées générées par le contexte sanitaire, et que ces attaques s’avèrent plus rentables. Le ransomware est devenu une industrie du crime, les rançons sont passées de quelques centaines de milliers à des millions d euros.

Avez-vous quantifié les augmentations de primes sur les renouvellements 2021 ?

Nous avons été obligés de renouveler un programme cyber pour un gros client ayant fait l’objet de sinistres importants en multipliant la prime par cinq et la franchise par dix. C’est indécent. Sur les PME, nous arrivons plus facilement à trouver des conditions à des prix et niveaux de franchise raisonnables. Ce qui a déstabilisé le marché, ce n’est pas tant la sinistralité de fréquence qui existait avant mais bien son intensité. Entre fin 2019 et début 2020, de très gros sinistres sont apparus et sont venus complètement déstabiliser le marché. Quatre sinistres graves ont consommé le montant des primes récoltées sur le marché français et ont eu une influence considérable sur le ratio sinistre/prime. Aujourd’hui, nous n’avons aucune visibilité sur l’orientation que va donner le marché coté assureurs.

Quels leviers pouvez-vous actionner pour obtenir des prix corrects pour vos clients ?

Aujourd’hui, la préoccupation n’est pas tant le prix que de trouver de la garantie. Pour répondre aux attentes des couvertures clients, il faut envisager des montages en ligne. La co-assurance, dans un contexte comme celui d'aujourd’hui, avec des assureurs qui n’ont aucune homogénéité de marché sur les wordings, est difficilement envisageable. Les assureurs ne veulent pas se retirer mais ne veulent pas s’exposer non plus, donc ils préfèrent de l’excess. Dans cette situation, la prévention est un élément indispensable pour se couvrir ou renouveler son contrat cyber.

Comment réagissez-vous à la demande exprimée par des dirigeants de l’ANSSI d'interdire la souscription des garanties ransomware ?

Pour les assureurs, payer une rançon permet d’éviter des pertes d’exploitation beaucoup plus importantes. C’est ce qui motive les assureurs à garder la possibilité de payer des rançons. Toutefois, l’assureur ne peut raisonnablement pas obliger l’entreprise victime à la payer, et la décision finale reste entre les mains de l’entreprise assurée.

Je ne souhaite pas qu’on légifère sur la question du paiement des rançons parce que cela enlèverait la possibilité à un assureur de limiter l’impact d’un sinistre, ce qui va fortement augmenter les expositions, et le risque serait que les assureurs se retirent totalement de ce marché si les expositions deviennent beaucoup plus importantes.

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