Laure Meyer, directrice juridique et conformité chez Marsh
Journaliste
Laure Meyer revient dans cette interview sur la gestion du contentieux entre assureurs et assurés à l’aune de la Covid-19.
Est-ce que les contrats dommages que vous gérez prévoient automatiquement un recours à des règlements amiables avant la saisine des tribunaux ?
Il n’y a pas de clause de recours généralisé à l’arbitrage dans la majorité des contrats d’assurance distribués sur le marché français. Nous avons parfois des clauses de règlement amiable, mais le marché français diffère de la culture anglo-saxonne qui prévoit plus massivement une clause d’arbitrage. Nous avons plutôt des clauses classiques d’attribution de compétence de juridiction. Chez Marsh, nous faisons tout pour éviter le contentieux devant les tribunaux. En effet, c’est beaucoup plus compliqué par la suite de replacer le risque du client, les autres assureurs se montrent en général frileux pour couvrir le risque s’il a fait l’objet d’une assignation. Nous mettons tout en œuvre pour concrétiser la transaction, car cela évite aussi une mauvaise publicité pour l’assuré comme pour l’assureur.
Est-ce que la Covid-19 a modifié la gestion du contentieux entre assureurs et assurés ?
Le phénomène Covid-19 a modifié la gestion des conflits entre assureurs et clients. La mission des équipes chargées d’éviter le contentieux devant les tribunaux s’est sérieusement compliquée avec l’inflation constatée des menaces d’assignation.
Sur les pertes d’exploitation, les clients se montrent très prompts à menacer d’assignation leurs assureurs, à partir du moment où ils sont informés de la non-couverture du manque à gagner. Il y a des enjeux sur cette problématique pour les assureurs. S’ils se retrouvent condamnés par une juridiction, et qu’ils ont distribué des contrats identiques, ils s’exposent à devoir indemniser les assurés sur tous les autres litiges similaires. Face à cette menace, les assureurs vont peut-être être plus enclins à conclure une transaction pour éviter de créer un précédent défavorable.
Comment Marsh s’adapte-t-il à l’exclusion de la Covid-19 des garanties professionnelles ?
Le marché professionnel est désorganisé du fait de cette exclusion quasi systématique. Il n’y a pas d’uniformité sur le contenu de cette clause d’exclusion. Chaque assureur a sa propre clause, et affirme subir des restrictions de réassurance qui s’imposent. Cela présente beaucoup de complexité pour les courtiers, notamment dans les programmes de co-assurance, puisqu’on se retrouve avec des conditions différenciées là où il y a un apériteur qui devrait pouvoir imposer une clause applicable à tous les porteurs du risque. Le débat s’étend à tout ce que les assureurs considèrent comme étant des risques systémiques tels que les pertes d’exploitation sans dommage dans le contexte cyber.
Outre leur multiplicité, ces clauses sont souvent mal rédigées, et ne sont ni formelles ni limitées. Face à cette situation, Marsh essaye de rationaliser ces clauses et de toujours préserver l’intérêt de ses clients.
Comment vous préparez-vous à l’entrée en vigueur le 1er avril prochain de la loi sur l’autorégulation du courtage ?
Marsh est déjà adhérent de Planète CSCA et est déjà conforme, nous abordons donc avec sérénité cette réforme. Notre objectif sera d’accompagner notre réseau de mandataires d’intermédiaires d’assurance (MIA), et de les aider à se conformer à cette nouvelle législation.
Les autorités publiques ont relancé le débat sur le paiement des rançons par les assureurs en cas d’attaques cyber, quelle est votre position ?
Le paiement des rançons est une part extrêmement minime du coût des sinistres cyber. Payer des rançons peut effectivement contribuer à des activités criminelles et cela pose donc problème d’un point de vue légal et éthique. Face à cette donnée, je considère que l’accompagnement des clients en cyber va se reporter sur la prestation d’experts, la gestion de crise, la communication et la prévention La rançon ne constitue pas de toute façon le sujet central du cyber. La gestion de la rançon sera à terme internalisée au sein des entreprises.