Dans l’attente impatiente d’une inauguration, l’exposition « Divas, d’Oum Kalthoum à Dalida » à l’Institut du monde arabe (IMA) voit grâce au mécénat de la MGEN sa diffusion amplifiée. La prescience du mécène a permis, avant la crise sanitaire, de mettre en place une opération innovante autour d’un thème qui lui est cher : l’éducation à l’égalité des sexes. Récit d’un mécénat prophétique.
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Le triste sort réservé aux musées en cette période sanitaire périlleuse n’a pas effrayé la MGEN. Bien au contraire. La mutuelle du système enseignant a signé fin janvier – beaucoup plus tardivement qu’escompté au départ du fait des conditions sanitaires – un important mécénat avec l’Institut du monde arabe, fermé depuis plus de cent jours. Loin d’être un simple soutien à sa saison 2021 sur les femmes arabes, dont le clou sera l’exposition « Divas, d’Oum Kalthoum à Dalida » (inauguration repoussée depuis un an mais promise en avril), l’opération est prophétique. Alors que les musées sont inaccessibles, la MGEN a créé dès le debut des discussions avec l’IMA en 2019 une plate-forme interactive, à la fois support de cours pour les enseignants et ludique pour les scolaires, autour de l’exposition et plus largement du thème de l’égalité homme/femme. Diffusion de la culture, éducation, parité et numérique : l’initiative coche toutes les cases des enjeux de société révélés – ou du moins exacerbés – par la Covid-19.
Ci-dessus : La chanteuse égyptienne Oum Kalthoum sur la scène de l’Olympia, 14 novembre 1967, Farouk Ibrahim, Paris, photothèque de l’IMA. © IMA
Le projet a été mis sur pied fin 2019 avant la déflagration épidémique. « Nous avions soumis à la MGEN un tout autre projet : une exposition sur panneaux qui aurait tourné dans plusieurs écoles, se souvient Adèle Parillat, responsable mécénat de l’IMA. Ils ont proposé un module numérique pour démultiplier à l’infini la diffusion du support de médiation à travers leur important réseau d’enseignants. Nous n’avions jamais réalisé ce type d’opération, par manque de moyens principalement. Les projets numériques nécessitent de nombreux prestataires, de l’agence de production digitale aux illustrateurs… Mais aujourd’hui à l’aune de la crise sanitaire et des interrogations sur les systèmes de médiation innovants, nous nous réjouissons d’autant plus de cette brillante idée qui a beaucoup plus de sens. » Le succès de la plate-forme, nourrie de vidéos, cartes interactives, animations, quiz et ressources documentaires, est tel que l’établissement pense déjà à la manière de la pérenniser et de la décliner sur d’autres thèmes. « J’étais très attaché à l’idée de développer un volet numérique autour de l’exposition pour toucher le plus grand nombre mais aussi car c’était une première pour l’IMA et lancer des innovations est toujours enrichissant », confie Eric Chenut, vice-président délégué de la MGEN.
Ecole culturelle
Si l’IMA fait ses premiers pas sur une médiation 2.0 en même temps qu’elle dialogue pour la première fois avec un assureur mécène, la MGEN n’en est pas à son coup d’essai. Les kits pédagogiques itinérants pour zone rurale avec le Louvre, les projets de création collectifs avec les classes de zones d’éducation prioritaire pour le château de Versailles ou encore la création d’espaces de médiation digitale et de tablettes tactiles pour jeune public au Mucem à Marseille sont autant de témoignages du virage pris par la mutuelle enseignante en faveur de l’éducation culturelle il y a bientôt dix ans. « Il n’y a pas de frontière entre la culture et la société. Un spectacle, une œuvre témoignent de l’humeur d’une époque en même temps qu’il est un lieu de rencontre et de croisement pour tous, non pour une élite. Le regard prospectif et rétrospectif du musée permet de mieux comprendre le monde. Ne pas prendre la culture en compte aujourd’hui est très dommageable. Voilà ce que dit aussi notre soutien à l’IMA », explique Eric Chenut.
Un mécénat de valeur
L’art est aussi un outil d’émancipation, rôle non anodin dans une saison consacrée à la place de la femme. « Quand je cherchais des partenaires pour cette exposition, je n’étais intéressée que par les entreprises qui ont des convictions et non une posture sur la promotion de la diversité, la tolérance, la parité… La MGEN s’est imposée évidemment », sourit Adèle Parillat. Initiatrice du remboursement de l’IVG dès 1976 avant même la Sécurité sociale, partisane de la PMA pour toutes, membre de plusieurs structures et fondations promouvant la place des femmes dans le secteur du numérique ou des métiers scientifiques, la MGEN est sur tous les fronts de la défense du droit des femmes.
« Cette exposition parle de citoyenneté et d’enjeux de fraternité républicaine, valeurs auxquelles nous sommes historiquement très attachés, poursuit le vice-président adjoint de la MGEN. La plate-forme conçue avec les équipes de l’IMA permet dans ce cadre une approche renouvelée de la question de la femme dans le monde arabe, depuis la naissance des luttes pour son émancipation, au début du XXe siècle, jusqu’aux interrogations contemporaines sur le genre. » Pour boucler la boucle, Roland Berthilier, président du groupe MGEN, interviendra aux Rencontres économiques de l’IMA le 6 avril prochain. Forum annuel destiné aux acteurs de l’économie, son thème n’est autre que l’empowerment féminin. Cousu main, ce partenariat entre MGEN et l’IMA montre combien le mécénat n’est définitivement pas comptable mais bien un sujet de société.