« L'innovation touche tous les métiers de l'assurance »

Publié le 4 septembre 2014 à 8h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h37

Romain Beausoleil


Experte en recrutement dans le domaine del’assurance, Sophie Maillot livre les principaux résultats d’une étude menée conjointementpar le cabinet Taste et Amnis Consulting sur l’impact de l’innovation dans lesprocessus RH.

Vous avez mené récemment une étude sur lesimpacts de l’innovation sur les compétences et les ressources humaines dansl’assurance. Qu’en ressort-il exactement ?

Selon l’étude menée conjointement avec AmnisConsulting auprès des décideurs du secteur *, les démarches d’innovation sont au cœurdes processus RH et de la conduite du changement et vont influer sur l'évolution des métiers et des compétences. Ces démarches ne peuvent aboutir qu’en étant partagée par tous. Pour en comprendre lafinalité, les collaborateurs doivent développer une vision globale du business model au-delà de leur expertisemétier. La transversalité et le travail en équipe sont donc de mise. Ce qui affecteles organisations et méthodes de travail. La formation des collaborateurs etl’acquisition de talents s’en trouvent également modifiées. Par ailleurs, si leprocessus de recrutement n’a pas encore évolué, on voit monter en puissance l’utilisationdes réseaux sociaux.

Constatez-vous l’émergence de nouveaux métiers dansles organisations ?

Endehors du recrutement de data scientistsmentionné par de nombreux assureurs, on s’oriente plus vers une évolution desmétiers que vers l’émergence de nouvelles fonctions. Pour exemple, la nature dumétier d’actuaire n’évolue pas du fait du bigdata. C’est le volume de données à traiter qui change d’échelle. Aussi,nous constatons que toutes les innovations convergent autour de la relationclients ce qui contribue à l’évolution des métiers. L’orientation client pousseà s’inscrire dans une dynamique de temps réel et de conseil personnalisé, às’adapter au passage du multicanal au multi-accès. Par conséquent,l’approfondissement de la segmentation marketing et l’accent mis sur ladimension relationnelle impliquent un renforcement du rôle de conseiller afinde répondre à ces nouvelles exigences. Parallèlement, la constitution d’un réseaucommercial efficace s’avère de plus en plus importante. D’où la tensioncontinue sur ce type de profils en matière de recrutement.

Les réseaux physiques font donc de larésistance…

Plusque ça ! Il faut bien avoir à l’esprit que la démultiplication des canauxde distribution ne conduit pas à une déshumanisation complète de la chaînecommerciale. Bien au contraire ! Le client va continuer à privilégier lecontact humain – téléphonique ou physique – afin de s’y retrouver parmi le flotd’informations auquel il est confronté, en particulier sur internet. En résumé,les sociétés recherchent de plus en plus des profils hybrides capables des’adapter aux transformations de l’entreprise (innovations technologiques etorientation clients). Aussi, la contrainte réglementaire – particulièrement enassurance collective à l’heure actuelle – ne fait que renforcer la concurrenceet donc la pression sur la recherche de commerciaux terrains. Dans le mêmetemps, la dématérialisation et la simplification des circuits amoindrissent lesbesoins en personnels administratifs.

Quid du rôle du manager dans ce contexteen mutation ?

Sonrôle est également en mutation. Les assureurs ne cherchent plus seulement descompétences techniques, mais aussi une capacité à évoluer et à accompagner lechangement. En résumé, nous cherchons des managers qui vont aider à la montéeen compétence des équipes. Il est de plus en plus important de compter sur debons managers pour attirer les bons collaborateurs. Cela se vérifieparticulièrement auprès des nouvelles générations. C’est la raison pourlaquelle nous nous tournons vers des managers moins recrutés pour leurexpertise technique que pour leur prise de recul et leur expérience en matièred’organisation. Car le défi majeur pour les assureurs consiste à inciter lescollaborateurs à renouveler la façon dont ils pensent leur métier.

Quels sont les enjeux en matière derecrutement ?

L’enjeuest de recruter des talents, puis de les faire évoluer dans l’entreprise afinqu’ils atteignent une pluricompétence. Les profils recherchés doivent apporterdes regards nouveaux et pouvoir s'adapter à la culture de l'entreprise. Lessociétés misent davantage sur le recrutement de potentiels évolutifs, capablesde s’intéresser à la chaîne de valeur dans son ensemble.

La mobilité interne est donc toujours d’actualité ?

Bien entendu ! Pour certains assureurs,encourager la mobilité interne notamment grâce à la mise en place de parcours favorisantles passerelles entre responsabilités fonctionnelles et responsabilitésopérationnelles participe de cette culture de l’innovation. L’intérêt dedécloisonner à travers le jeu de la mobilité permet en interne de donner dusens à l’action et d'appréhenderla réalité des autres métiers. Cependant, ces exemples demeurent marginauxet les regardssouffrent encore de stéréotypes entre les métiers.

Les organismesd’assurance s’ouvrent-ils, selon vous, suffisamment vers d’autres secteursd’activités pour chercher de nouveaux collaborateurs ?

On dépasse la consanguinité pour s’inspirerd’entreprises qui sont sur la gestion du client en temps réel et sur un modèle plusagile. Le recrutement évolue dans les profils ciblés, car les compétencesrecherchées vont au-delà du seul cadre assurantiel : recherche de nouveauxsavoirs en matière d’innovation technologique ou préférence pour des profils privilégiantla relation clients dans l’environnement internet, du e-commerce, de la téléphonie,du conseil… En dehors des métierstechniques sur la partie produit ou l’actuariat par exemple, il est possibled'aller chercher des personnes à l'extérieur, notamment sur les processus oul’innovation technologique.

Comment voyez-vous le marché du recrutement dansl’assurance évoluer à court et moyen terme ?

Dans lecadre de l’étude, nous avons obtenu des réponses très hétérogènes quant à lapriorité donnée à l’acquisition de nouveaux talents. Ceci prouve que si tousles opérateurs ont pris conscience de l’enjeu lié à l’évolution des compétenceset des recrutements, tous ne progressent pas au même rythme. Les grands groupesà dimension internationale prennent de l’avance en formant leurs collaborateursaux nouveaux outils technologiques et en recrutant des profils issus duconseil, de la téléphonie, du retailquand des structures plus franco-françaises commencent seulement à recruter desprofils issus d’autres familles d’assurance. Les écarts risquent de se creuseren termes de demande de recrutement à moyen et long terme et varier en fonctionde l’avancée du processus de digitalisation de l’entreprise.

Voyez-vous déjà des demandes concrètes concernantle recrutement de data scientists ?

Nousn’avons pas eu pour l’heure de demande formelle de recrutement de data scientists, mais plusieursdiscussions avec certains assureurs nous laissent à penser que des besoins vontémerger. Nous avons évoqué récemment un recrutement de chief data officer par exemple. En revanche, nous avons déjàeffectué des demandes de ce type dans d’autres secteurs d’activité sur lapartie retail.

Quels sont les autresprofils les plus recherchés en dehors des commerciaux ?

Lesdirections des opérations concentrent une forte partie des recrutements. Lesdirections sinistres notamment cherchent à se moderniser, à s’ancrer davantagedans la logique business et àpartager davantage leur connaissance des clients. Elles recrutent de plus enplus d’organisateurs, de managers pouvant améliorer l’efficacité opérationnelleet accompagner la transformation des processus. Parallèlement, les fonctions compliance restent toujours d’actualitéafin de faire face à la contrainte réglementaire et aux exigences croissantesdes autorités de régulation. Les responsables marketing chargés d’impulser etde coordonner les projets d’innovation sont également recherchés. De manièregénérale, on observe un mouvement de fond et une tension forte sur les métiersde la relation clients.

(*) Les enjeuxd’innovations dans l’assurance : impact et contributions des organisationset des compétences. Juillet 2014. Amnis Consulting et Taste.

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