Après le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et le ministère des Armées, les services du Premier ministre et le ministère de l’Agriculture ont publié cette semaine leur appel d’offres pour la couverture santé des agents, retraités et ayants droit relevant de leur périmètre, sur la base des accords interministériels signés ces derniers mois.
Ces appels d’offres marchés publics font suite à l’ordonnance du 17 février 2021 de réforme de la protection sociale complémentaire pour les trois volets de la fonction publique — État, collectivités territoriales et hôpital — qui oblige les employeurs publics à financer au moins 50 % de la complémentaire santé des agents et à mettre en œuvre des contrats collectifs santé et prévoyance (téléchargez notre tableau comparatif des premiers appels d’offres • XLSX • 11.23 Ko, source : marches-publics.gouv.fr/entreprise).
Tableau comparatif des quatre premiers appels d'offres 11 Ko - XLSX
Une mise en œuvre échelonnée
L’État a dégainé le premier. Un accord interministériel avait été signé début 2022 sur la mise en place d’une complémentaire santé obligatoire : à partir du 1er janvier 2025, les ministères et les établissements publics et administratifs (EPA) prendront en charge au minimum 50 % de la cotisation. Le 23 octobre dernier, la majorité des syndicats de la fonction publique d’État ont signé un deuxième accord améliorant la couverture des risques incapacité, invalidité et décès pour les 2,5 millions d’agents publics en France, alors que « plus d’un million d’entre eux n’était pas couvert jusqu’ici par un contrat prévoyance », indiquait Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, en ouverture d’un colloque de la Mutualité fonction publique (MFP) le 13 décembre.
Du côté de la fonction publique territoriale, un accord prévoyance a été signé le 11 juillet 2023, imposant aux collectivités la mise en place de contrats collectifs financés à parts égales entre l’employeur et l’agent, les négociations devant être menées au niveau local. L'accord garantit aussi aux agents en situation de maladie ou d’invalidité le maintien de 90 % de leur rémunération nette et laisse ouvertes les négociations en santé jusqu’en 2025.
La fonction publique hospitalière est le dernier versant à engager les réflexions autour des modalités de mise en œuvre : « Le cadrage des négociations n’est pas encore défini », précise Noémie Schoebel, DRH du Groupement hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences. Les discussions engagées entre la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), la Fédération hospitalière de France (FHF) et les organisations représentatives porteront notamment sur la question centrale de l’articulation des futurs régimes avec les dispositifs spécifiques existants, comme la gratuité des soins médicaux et des produits pharmaceutiques dont bénéficie un fonctionnaire hospitalier dans l’établissement où il est en activité. « La priorité se situera peut-être d’abord dans le camp de la prévoyance », indiquait, prudent, Benoit Fraslin, président de la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH), lors du colloque.
Conventions de référencement vs nouveaux contrats collectifs
Si l’ensemble des acteurs s’accordent sur le « progrès social » de la réforme, la vigilance reste de mise du côté des fédérations syndicales de fonctionnaires qui participent aux instances de suivi alors même qu’une clause de revoyure est prévue au 31 décembre 2026 pour partager un premier bilan.
L’articulation entre les prochaines échéances des conventions de référencement et l’application des nouveaux contrats collectifs s’annonce complexe : garanties statutaires harmonisées entre les trois volets, couplage facultatif santé/prévoyance, recours au système optionnel pour compléter les garanties obligatoires, contenu de l’information délivrée aux bénéficiaires, sont quelques-uns des nombreux sujets à traiter. Sans compter le coût du financement de la réforme : « Les dépenses ne pourront pas être assumées de la même manière par toutes les collectivités, nous militons pour l’institution d’un fonds pour les aider à assumer leurs responsabilités si nous ne voulons pas aller vers une France des collectivités à deux vitesses », indique Didier Bée, président de la Mutuelle nationale territoriale (MNT).
Concurrence exacerbée
La réforme, qui ouvre le passage au contrat collectif dans un secteur où le modèle individuel a prévalu jusque-là, modifie les règles du jeu pour les opérateurs mutualistes historiques, qui jouent là leur développement futur. « C’est un vrai changement de paradigme » reconnaît Serge Brichet, président de la MFP. « Cela interroge sérieusement le modèle des opérateurs ». « Les premiers appels d’offres exigent des réponses de qualité, les mutuelles de fonctionnaires sont prêtes à y répondre, elles ont des relations partenariales très fortes avec les employeurs publics et ne doivent pas se laisser entraîner vers une relation de prestataires », affirmait de son côté Matthias Savignac, le président de la MGEN (Groupe Vyv), au colloque de la MFP. Son organisme a signé en avril dernier un accord avec la MGP, la mutuelle des forces de sécurité, pour participer au futur appel d’offres du ministère de l’Intérieur et il a officialisé deux mois plus tard un partenariat avec la MNH et Groupama sur le versant hospitalier.
Avec la mise en concurrence, le marché de la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique, jusqu’ici essentiellement investi par des acteurs mutualistes, s’ouvre largement aux Ocam. « Dans les appels d’offres, il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas de captation de valeur au détriment des adhérents notamment de la part des intermédiaires », insiste Éric Chenut, président de la Mutualité française. Les administrations et les collectivités employeuses auront toutefois besoin d’être accompagnées, comme le souligne Nicolas Lonvin, le directeur général des services du Centre de gestion de la fonction publique territoriale du Finistère : « Nous devons mieux connaître les sujets d’assurances pour rédiger les appels d’offres mais également être en capacité de bien analyser les besoins de nos territoires. »