Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet de conseil Facts & Figures

« Les confinements n’ont pas conduit les assureurs dommages à s’enrichir sur le dos des assurés »

Publié le 14 octobre 2021 à 17h06

TORRES, Elisabeth    Temps de lecture 5 minutes

Le consultant évoque les enseignements de son 11ème baromètre annuel des assurances dommages rendu public fin septembre.

Quel est l’élément saillant du baromètre 2020 des assurances dommages ?

Les confinements qui ont jalonné l’année constituent sans nul doute le principal fait marquant de 2020. Compte tenu de la fermeture des agences bancaires, les bancassureurs ont moins produit. Paradoxalement, 2020 a été en revanche favorable aux mutuelles sans intermédiaire (MSI) alors que leurs salariés étaient en télétravail.

Pour mémoire, l’an passé, la circulation des voitures ayant nettement diminué, la sinistralité a également baissé ; de même, sur le volet MRH, les Français étant davantage à leur domicile, ils ont été moins souvent cambriolés. En parallèle, cette sédentarité forcée a entraîné moins de voyages et donc moins d’assurances annulation ou voyage. Au global, on ne peut pas dire que le secteur ait plus gagné ou perdu, mais la répartition du résultat technique entre les opérateurs du marché a été bouleversée.

C’est-à-dire ? Au détriment de qui ?

Les assureurs fortement exposés sur les multirisques pro et entreprise (dont Axa France, MMA IARD et Allianz IARD qui pèsent à concurrence de 50 % de ce marché) ont subi 1,8 Md€ de charges de sinistres supplémentaires vs 2019 du fait de la crise sanitaire. Ce chiffre comprend les prestations versées en 2020 au titre de l’indemnisation des pertes d’exploitation, ainsi que les provisions passées pour les indemnités à verser en 2021 et au-delà. Il tient compte également de la diminution significative des sinistres en responsabilité civile (soit une économie de 377 M€) : pas de risque qu’un client avale une arête de poisson, alors que les restaurants étaient fermés ! Pour Axa France, nous estimons le coût supplémentaire global à 260 M€, pour MMA à 440 M€, pour Allianz à 115 M€.

Quatre assureurs, qui ne détenaient que 4 % du marché en 2020, ont supporté 42 % du coût des pertes d’exploitation : il s’agit du Crédit mutuel (ACM IARD), de la Maaf, de Pacifica et de BPCE IARD. Si on prend l’exemple du Crédit mutuel Centre-Est Europe, cela s’explique notamment par son geste mutualiste avec le versement de primes de soutien à ses assurés pro à hauteur d’environ 300 M€. En fait, ces quatre acteurs étant en phase de développement sur le marché des pros, ils n’ont vraisemblablement pas voulu casser cette dynamique, d’où ces gestes commerciaux. Cela dit, rien ne les y obligeait.

Quels acteurs ont à l’inverse bénéficié de cette période ?

Les assureurs bien positionnés sur l’assurance auto ont tiré profit de la baisse de sinistralité : le ratio combiné a ainsi accusé une baisse de près de six points – ce qui est très important – pour s’établir à 96,3 %. Et en l’occurrence, ce sont les MSI qui en ont particulièrement bénéficié dans la mesure où elles détiennent plus de la moitié des contrats auto. De fait, elles font partie des bénéficiaires du confinement. Sans compter la baisse de production du côté des bancassureurs dont les agences étaient fermées. Pour autant, ces derniers ont poursuivi leur progression en termes de parts de marché.

Quel bilan dressez-vous pour le secteur IARD dans son ensemble ?

Les confinements n’ont pas conduit les assureurs dommages à s’enrichir sur le dos des assurés. En 2020, le résultat technique du secteur de l’assurance dommages s’est en effet élevé à 2,3Md€, en baisse par rapport à celui de 2019 (2,9 Md€). Fait notable, la marge technique de 4,1 % (vs 5,3 % en 2019) s’est en revanche répartie de manière différente entre les acteurs au regard des années antérieures : les compagnies traditionnelles, qui ont en général beaucoup de risques d’entreprises dans leur portefeuille, ont vu leur résultat technique baisser de moitié, tandis que les bancassureurs, moins présents sur ce type de risques, affichent un résultat technique en hausse de 22 %, à l’exception du Crédit mutuel et de BPCE IARD pour les raisons évoquées plus haut. Quant au résultat technique des MSI, il a progressé de 36 %, ce qui est une hausse très importante, le statu quo lié au confinement leur ayant été en fin de compte bénéfique, notamment en raison de la chute de la sinistralité.

Quelles conséquences en termes de tarifs ?

Les mutuelles, parmi lesquelles la Maif, Matmut ou GMF, ont gelé leurs tarifs au 1er janvier 2021. D’ores et déjà, la Maif a annoncé qu’elle poursuivrait ce gel en 2022 sur ses contrats auto. Les mutuelles ont conscience que cette période les a somme toute épargnées. D’ailleurs, au printemps 2021, la sinistralité a été de nouveau en baisse (entre 8 et 10 %), si bien que les assureurs dommages ne se sentent pas légitimes à augmenter leurs tarifs cette année. Mais la tendance risque de repartir à la hausse dès 2022 d’abord modérément (entre +0,5 % et +1 % en auto, entre +1 et +1,5 % en habitation), avec une accélération probable en 2023. En assurance auto, les primes devront en effet prendre en compte l’inflation du coût des réparations, due à divers facteurs : poids croissant de l’électronique, montée en puissance des SUV dont les pièces sont plus onéreuses que celles d’une berline classique, développement des véhicules électriques également plus chers à réparer, sans oublier la pénurie de composants. En MRH, c’est notamment la dérive du risque climatique qui pourra avoir un impact tarifaire.

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