À l’occasion des assises de l’Afer, les représentants des candidats à la présidentielle étaient invités à exposer leurs intentions en matière de fiscalité des successions et de l’assurance vie.
Alors que la réglementation actuelle exonère la très grande majorité des Français de payer l’impôt sur la succession (85 % à 90 % d’après le Conseil d’analyse économique) et permet de transmettre leur patrimoine à moindres frais grâce à l’assurance vie, les candidats à la présidentielle s’accordent sur un statu quo en termes de fiscalité.
Laurent de Saint-Martin (LREM), représentant d’Emmanuel Macron, indique vouloir « ne rien toucher à l’assurance vie », qui ne sera donc pas intégrée à la succession. Côté transmission, son programme prévoit de relever l’abattement attaché aux successions entre parents et enfants à 150 000 €, et de créer un nouvel abattement de 100 000 € pour les successions entre les autres membres d’une même famille.
Philippe Nguyen, pour Marine Le Pen, a plaidé pour « la liberté des épargnants » et ne changera pas la situation actuelle. Pour la succession en général, le RN propose un abattement de 300 000 € sur l’immobilier.
Vijay Monany, membre du parti d’Éric Zemmour (Reconquête), ne souhaite pas non plus de changement de la fiscalité. Il ajoute toutefois qu’il supprimera la disposition de la loi Sapin II qui permet de bloquer les retraits en cas de crise et propose une exonération d’impôt sur les successions en ligne directe jusqu’à 200 000 €, ainsi que les transmissions d’entreprises intrafamiliales.
Xavier Bertrand, pour Valérie Pécresse (LR), indique que la candidate ne compte pas intégrer l’assurance vie à la succession : « Il n’est pas question de toucher à un cheveu du système concernant l’héritage : réduire la durée de renouvellement de l’abattement à six ans ou encore augmenter celui sur les successions pour les enfants à 200 000 €. »
Dissidents
À gauche, la donne change. Jean-Luc Mélenchon (FI), par la voix de son représentant Hadrien Toucel, ne compte pas modifier le cadre réglementaire de l’assurance vie mais souhaite néanmoins mettre fin aux avantages fiscaux des contrats à l’étranger afin de « rapatrier » les fonds. Il a également évoqué une taxe à 100 % sur les successions à partir de 12 M€. Les recettes serviraient à « financer les universités et les résidences universitaires ».
Guillaume Duval, pour Yannick Jadot (EELV), propose la fin de l’exonération de l’assurance vie de la succcession pour éviter que « les très riches passent entre les mailles du filet ». En compensation, il envisage d’augmenter l’abattement fiscal à 200 000€, aujourd’hui plafonné à 100 000 €.
À la question de savoir s’il faut davantage taxer les successions, la réponse du président de l’Afer a sans surprise été « non ». Stellane Cohen, présidente d’Altaprofits, société de conseil en gestion de patrimoine sur Internet, considère ces dernières propositions comme « hors sol ». « Certains candidats proposent des fonds innovants, comme des fonds souverains, mais aucun fonds innovant ne propose de garantie en capital. Et nous connaissons l’attachement des Français pour les fonds euros, placement sécuritaire », analyse-t-elle. De manière générale, les aspects techniques des propositions des différents candidats n’ont pas été évoqués lors des prises de paroles.
« Le serpent qui se mort la queue »
En tant qu'« observatrice », Stellane Cohen estime que la fiscalisation de la succession est « un terrain miné ». « Pour certains politiques, l’héritage est la première injustice, mais finalement lorsque l’on propose de toucher à l’héritage, les Français s’y opposent. La France a une forte culture de la transmission », commente-t-elle. Taxer l’assurance vie est risqué selon la dirigeante. Dans un contexte de fort endettement de l’État, elle sait que « les 1 871 Md€ d’encours de l’assurance vie suscitent des convoitises » mais « les Français souscrivent à la dette aux travers de leurs fonds euros… Taxer l’assurance vie, c’est prendre le risque qu’ils s’en détournent et préfèrent souscrire des placements dans l’immobilier par exemple. C’est le serpent qui se mord la queue ».
Stellane Cohen reste cependant confiante sur un statu quo du régime fiscale de l’assurance vie, « l’enjeu [étant] trop important ». « Les Français ont une vraie appétence pour les UC, qui ont un impact dans l’économie réelle. Ils ne prendront pas le risque de casser ce mécanisme. » Enfin, la présidente d’Altaprofits partage avec les assureurs un même cheval de bataille : la non-rétroactivité de la fiscalité. « En cas de nouvelles lois, cela ne doit pas porter à conséquences sur les contrats déjà ouverts, comme cela a pu être le cas par le passé », rappelle-t-elle.