Elisabeth Borne recourt au 49.3 sur la quatrième partie et sur l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Plus de 150 amendements auraient été retenus pour le texte final.
Face aux « 1 160 amendements restants », et aux « délais fixés par la Constitution », la Première ministre Élisabeth Borne a de nouveau déclenché l’article 49.3 de la Constitution, dans la soirée de mercredi 26 octobre à l’Assemblée nationale, cette fois-ci sur l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. La question des amendements retenus ou non dans la version finale du texte reste en suspens bien qu’Elisabeth Borne affirme que le texte final « tient compte des échanges en commission », assurant que « plus de 150 amendements ont été retenus, de la majorité comme des oppositions ». Parmi ces derniers se trouvent des mesures pour le « meilleur financement des services à domicile », « l’accroissement des contrôles des Ehpad », « le renforcement de la permanence des soins ».
Plusieurs sujets sont suivis de près par les organismes complémentaires (Ocam), notamment le transfert de charges de l’assurance maladie obligatoire vers l’assurance maladie complémentaire à hauteur de 150 M€ (300 M€ en année pleine). « Quand il y a besoin de serrer les dépenses de l’assurance maladie, on en revient toujours au bon vieux mécanisme de transfert de charge sans se poser la question de l’impact sur le pouvoir d’achat des Français. C’est toujours agaçant de se voir ramener à ces vieilles recettes dans la construction du budget de l’assurance maladie », réagit Éric Vétillard, directeur délégué adjoint de SPVie assurances. Ce sujet doit être discuté dans le comité de dialogue créé autour du ministre de la Santé et des Ocam.
Nouvel espace de concertation
France assureurs, CTIP, Mutualité française, et Unocam rencontraient le ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun, jeudi 13 octobre, donnant lieu au lancement d’un nouvel espace de concertation : un comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDOC) qui se réunira deux fois par an en séance plénière sous la présidence de François Braun et de la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin-Le Bodo.
Déremboursement
Cent dix mille arrêts de travail ont été prescrits par téléconsultation l’an dernier, soit deux fois plus que l’année précédente. Sachant que 80 % des patients bénéficiant d’un arrêt de travail délivré par téléconsultation se le voient délivrer par un autre médecin que leur médecin traitant et que dans 70 % des cas, l’arrêt n’est pas lié à une prescription médicale remboursée (contre 40 % en consultation traditionnelle) – selon les chiffres du gouvernement – le texte du PLFSS prévoit le déremboursement des arrêts de travail délivrés par un médecin autre que le médecin traitant à partir du 1er juin 2023.
« Il y a une dérive très nette des arrêts. La téléconsultation est un formidable outil tant que cela reste un outil. Dans le cas spécifique des déserts médicaux, cela sera étudié au cas par cas et pourra être résolu lors des CNR », indique François Braun lors de son audition devant la Commission des affaires sociales. Aux premières loges pour constater « la flambée des arrêts ces dernières années entraînant la hausse de la tarification des contrats de prévoyance », Éric Vétillard salue cette proposition en attendant de voir ses modalités d’application.
Parmi les amendements restant à débattre, celui porté par Isabelle Valentin (Les Républicains) qui prévoit d’organiser les téléconsultations en présence d’un professionnel de santé, mobilisant ainsi deux soignants dans un contexte de désert médical prégnant. Cette mesure reviendrait à l’arrêt de cette pratique sous sa forme actuelle, voire de la téléconsultation tout court. Ce dernier ne devrait toutefois pas être gardé dans le texte final le gouvernement étant défavorable à cet amendement, a indiqué le cabinet du ministère de la Santé et de la Prévention.
Pas de virage préventif pour les Ocam
Parmi les mesures phares, le PLFSS 2023 prévoit la mise en place de rendez-vous de prévention à trois périodes clés de la vie : 20-25 ans, 40- 45 ans, 60-65 ans. « Une mesure assez faible par rapport à l’enjeu qui ressemble davantage à du marketing : cela fait joli sur le papier mais il n’y a pas de réelles actions concrètes derrière », juge Éric Vétillard. De plus, un dispositif similaire existe déjà : l’examen de prévention en santé (EPS), pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, et qui comprend examens, dépistage, et point d’information.
Dotés d’un bon maillage territorial et d’une force de frappe sur le terrain, les Ocam souhaitaient la co-constuction de ces rendez-vous, volonté soutenue par le groupe Horizon par un amendement à l’article 17 : « Dans la mesure où les rendez-vous de prévention à certains âges clés participent de la volonté d’un virage préventif et où l’intérêt d’un partage équilibré des dépenses entre AMO et AMC est majeur, l’association des organismes complémentaires d’assurance maladie à la définition et au cofinancement de ces nouveaux rendez-vous de prévention a tout son sens », pouvait-on lire dans l’exposé sommaire. Une ambition finalement déboutée, l’amendement ayant été rejeté en Commission des affaires sociales.
Où se dirige-t-on avec le CNR ?
« Nous ne savons pas où vous allez avec ce CNR santé. Cela n’a aucune cohérence », lançait le député Jérôme Guedj (Nupes) à François Braun en commission. Si les contours de cette grande concertation sont encore flous, Stéphanie Rist, députée du Loiret et rapporteure générale, assure que les premières mesures découlant du CNR devraient être prises dès la fin de l’année. « Si certaines mesures sont jugées suffisamment importantes, elles pourraient être adoptées dès ce PLFSS. On pourrait dès lors implémenter des mesures au texte lors des allers-retours avec le Sénat », veut croire la rapporteure.