Interview de la semaine

« Le nouveau groupe Aésio-Macif ambitionne de figurer parmi les leaders sur toutes ses branches d'activités »

Publié le 10 décembre 2020 à 8h00

Elisabeth Torres

Patrick Brothier, président du groupe Aésio

Elisabeth Torres
journaliste

Le rapprochement entre Macif et Aésio, entamé il y a deux ans, a été officialisé par les AG du groupe Aésio puis par celles du groupe Macif qui ont approuvé la création du nouveau groupe au 1er janvier prochain. Le président d'Aésio revient sur les objectifs de cette union et aborde les enseignements d’une étude Aésio-Sapiens sur le rôle des complémentaires dans l’amélioration du système de santé français.

Quel(s) but(s) poursuivez-vous en créant le groupe Aésio-Macif ?

Nos deux groupes ont des valeurs communes et des métiers complémentaires. Le groupe Aésio est né de la volonté de rapprochement de trois mutuelles en 2016 : Adréa, Apréva et Eovi MCD. Avec un chiffre d’affaires 2019 de 2 Md€, 315 agences, près de 3 800 collaborateurs et 2,7 millions d’assurés en santé, nous sommes le deuxième groupe mutualiste en assurance de personnes individuelle et collective en France. De son côté, Macif, leader de l’assurance auto, assure également 1,4 million de personnes en santé et 697 000 en prévoyance. Le futur groupe mutualiste, issu du rapprochement entre Macif et Aésio, rassemblera 8 millions de sociétaires et adhérents. Avec un chiffre d’affaires cumulé de plus de 8 Md€, le nouveau groupe ambitionne de figurer parmi les leaders en assurance dommages, vie et prévoyance et de devenir le deuxième groupe mutualiste en santé individuelle et collective, tout en conservant ses valeurs démocratiques et ses engagements solidaires. Le nouveau groupe s’appuiera sur deux jambes : un pôle IARD/vie et un pôle santé/prévoyance.

Les assemblées générales du groupe Aésio ont approuvé ce rapprochement en juin dernier à 97 %. Celles de Macif ont entériné à leur tour, en septembre 2020, la création du nouveau groupe à effet du 1er janvier prochain.

Le système de santé français a révélé des failles à l’occasion de la crise sanitaire. Lesquelles ?

C’est tout l’enjeu de l’étude Aésio-Sapiens, rendue publique à la rentrée, de dresser un état des lieux des systèmes de santé à la lumière des enseignements de la crise sanitaire, puis de définir les axes d’amélioration. Pour ce faire, l’Institut Sapiens a procédé à une approche comparative des systèmes de soins de 25 pays membres de l’OCDE, en se fondant sur cinq indicateurs : la qualité du système afin d’évaluer notamment l’espérance de vie en bonne santé, l’accessibilité financière (part des dépenses de santé dans la consommation des ménages…), l’accessibilité géographique, la couverture du système (pourcentage de la population éligible aux services de base…) et la prévention (en matière de tabac, alcool, obésité, vaccination…). Cette étude confirme les points forts du système de soins à la française tout en cristallisant des marges de progrès : notre système de santé n’arrive en effet qu’en 13e place du classement, alors que le niveau global des restes à charge est le plus bas de l’OCDE et que nous avons par ailleurs une capacité curative très forte. A noter toutefois que si la France est à la pointe sur le niveau des restes à charge, ces derniers sont encore trop importants pour les personnes atteintes de maladies chroniques.

Nous sommes bien soignés en France, mais nous devons aussi progresser en matière de prévention : en faisant abstraction de ce critère, la France remonterait à la 7e place du classement.

Dans quelle mesure la pandémie a-t-elle contribué à mettre en évidence ces axes d’amélioration ?

La prévention est l’un des enjeux fondamentaux pour limiter la propagation du virus. Or, l’intelligence artificielle et la data offrent justement de nouvelles possibilités pour les outils de prévention et de personnalisation en matière de soins. La prévention est un enjeu majeur en matière de santé et la France doit fortement progresser dans ce domaine. Il va donc falloir avancer sur le sujet pour mieux articuler les politiques de prévention entre les parties prenantes, mais aussi avec les citoyens. L’ADN de la mutualité réside d’ailleurs dans notre souci de rendre ces derniers acteurs de leur santé. Nous devons ainsi refonder la stratégie de santé publique française en matière de prévention, mais aussi européenne, notamment sur la data, afin de ne pas être uniquement dépendants de la Chine et des Etats-Unis.

Sur quelles ressources peut-on s’appuyer en France ?

Il existe par exemple le haut degré de solidarité dont une part plus forte pourrait être mobilisée sur des enjeux de prévention. A chaque branche professionnelle de définir un volant de prestations de prévention qui s’inscrivent dans une stratégie de santé publique et viennent enrichir l’action de l’Etat.

En ce qui concerne Aésio, nous avons la chance d’être ancrés dans les territoires et en très grande proximité avec nos adhérents. Nous donnons à nos assurés un accès à des services et à des applis (par exemple dédiées aux personnes diabétiques) afin de rendre les usagers acteurs de leur santé. Il ne faut pas tout attendre de l’Etat. Les systèmes de santé les plus efficaces, y compris en termes de financement, procèdent d’une hybridation et d’une complémentarité entre acteurs du secteur public et du secteur privé.

Quels sont les enjeux à venir en termes de santé, outre la pandémie ?

La longévité est une question majeure. Le vieillissement de la population va de pair avec le maintien de l’autonomie, au domicile, avec un suivi, un accompagnement, autant d’actions qui s’inscrivent dans le champ de la prévention. Les Ehpad sont de même appelés à évoluer pour répondre aux nouveaux besoins. Autre enjeu fort, le statut des aidants professionnels qui est peu valorisé. Il faut donc développer plus de moyens pour renforcer l’attractivité de leurs métiers. A Saint-Etienne, en partenariat avec l’Ecole des Mines, nous avons créé fin 2019 la Cité des aînés. Cette « cité village » se veut exemplaire dans l’articulation entre réponses aux besoins des résidents et de ceux qui les accompagnent, proches et professionnels de la dépendance.

Reste la question du financement, qui se pose d’autant plus que la pandémie ne cesse de creuser la dette publique. Il faut en effet assurer un reste à charge le plus supportable possible par la population. A ce titre, on souhaite un maximum de financement public, mais si celui-ci n’est pas au rendez-vous, il faudra bien apporter des réponses. C’est le sens de la proposition de mise en place d’une assurance dépendance obligatoire adossée aux contrats de complémentaire santé que nous portons avec la FNMF et la FFA. Nous regrettons que ce projet d’assurance obligatoire du risque dépendance n’ait, pour l’instant, pas été retenu. Dans cette même perspective de préparer ces enjeux de société, nous avons rédigé les Carnets Aésio de la longévité afin de mettre en avant dix propositions et initiatives concrètes, dont la Cité des aînés, pour permettre à chaque personne âgée d'avoir accès à un parcours de vie adapté à ses besoins et aspirations.

Que pensez-vous de la taxe appliquée aux complémentaires santé ?

Il est vrai que pendant le premier confinement, certains soins ayant été reportés, des économies ont été réalisées, mais il y a eu des rattrapages, voire plus de soins. Il fallait plus de recul pour évaluer les dépenses de santé réalisées sur l’année 2020 et début 2021. Sans compter le report de cotisations demandé par certaines entreprises ou le financement de la portabilité des droits.

En outre, n’oublions pas que les mutuelles sont déjà soumises à une fiscalité importante. Elles ont par ailleurs déployé de nombreuses actions de solidarité pendant la crise sanitaire pour aider les personnes les plus fragiles. Il faudrait aussi en tenir compte.

En tout état de cause, Covid-19 ou pas, la consommation de soins augmente chaque année, ne serait-ce que parce que la population vieillit.

 

 

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